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raison, le titre parlementaire de cabinet. La Russie n’a qu’un comité des ministres (comitet ministrof), et ici les noms ne sont pas sans importance. Les ministres du reste ne sont pas les seuls membres de ce comité ; à côté d’eux y siègent, non-seulement le contrôleur de l’empire et le procureur du saint-synode, lequel peut être regardé comme une sorte de ministre des affaires ecclésiastiques, mais les chefs de certaines sections de la chancellerie impériale, les présidens des divers départemens du conseil de l’empire et jusqu’au directeur des haras. Avec un véritable conseil, uniquement composé des chefs des ministères, ce soi-disant comité des ministres deviendrait un rouage inutile. La présidence en appartient à un personnage que l’empereur désigne et qui lui-même n’est d’ordinaire pas ministre. Durant la plus grande partie du règne d’Alexandre II le président du comité était un homme de cour, sans valeur ou influence politique, un général Ignatief, paient du célèbre négociateur de San Stefano. Lorsque, un an ou deux avant sa mort, Alexandre II avait appelé à ce poste un des plus distingués de ses anciens collaborateurs, le comte Valouief, successivement ministre die l’intérieur et des domaines, on s’était demandé si, entre ces nouvelles mains, cette présidence, jusque-là purement honorifique, n’allait pas prendre une valeur politique. En fait, il n’en a rien été, et Alexandre III a, en octobre 1881, remplacé le comte Valouief par M. de Reutern, longtemps ministre des finances, sans que la présidence du comité ait cessé d’être une sinécure pour un favori de cour ou une grasse prébende pour un ancien ministre dont le souverain veut récompenser les services passés.

Les affaires devraient, semble-t-il, être toujours discutées en comité ou en conseil par les ministres ; mais les chefs des diverses administrations se dispensent fréquemment de cette formalité pour frapper directement au cabinet de l’empereur. L’usage est que les ministres présentent leur rapport (doklad) individuellement au souverain. Cette habitude seule enlèverait toute solidarité aux différens chefs d’administration. N’étant responsables que devant l’empereur, et n’ayant devant lui qu’une responsabilité individuelle, les ministres ne sont en réalité que les secrétaires, on pourrait dire les commis du tsar, mais des secrétaires qui, seuls au courant des affaires, dictent le plus souvent les résolutions du maître, et des commis tout puissans, s’ils ont l’oreille de l’autocrate.

Les ministres les mieux en cour ne se gênent point pour passer par-dessus la tête de leurs collègues et faire adopter au souverain des mesures inconnues de ces derniers. Les divers organes du gouvernement, au lieu de fonctionner d’accord, se contrarient et se paralysent mutuellement. Le comte Vorontsof avait encore signalé