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Écoutez :
- L’alcôve était sombre, il entra ;
- Sous la lampe aux reflets d’opale,
- Une dame l’attendait là,
- A ses genoux, tremblant et pâle,
- Il vint se mettre et l’adora.
- Dire ce qu’était cette femme,
- Nul ne me croirait, je ne veux.
- Sa taille, ses mains, ses cheveux,
- Son regard, sa bouche de flamme…
(Il s’arrête, muet, les yeux fixés sur Francesca.)
Pourquoi vous interrompre ?
Pardonnez, madame, je reprends :
- Ils se taisaient se contemplant.
- Sur ce visage plein de grâce,
- Son regard humide et brûlant
- Du dieu d’amour cherchait la trace ;
- Trace fugitive et pourtant
- Qui d’elle-même aux yeux s’avoue.
- Des rougeurs empourprent la joue,
- Le regard luit plus éclatant.
- La lèvre en un divin sourire
- S’épanouit et semble dire,
- Dans son trouble et son embarras ;
- Reste, reste, ne t’en vas pas…
(Un silence ; Francesca baisse les yeux et laisse aller sa main. Paolo s’en saisit et continue.)
- Ce sourire, ce trouble étrange,
- Ces charmes, cette volupté,
- Qui donc alors eût résisté !
- Un jouvenceau n’est pas un ange.
- Pas plus qu’à l’heure d’aujourd’hui,
- Une reine n’est une sainte.
- Il allait donc agir sans crainte,
- Quand elle se pencha vers lui ;
- Et sur sa lèvre pâle et blonde
- Mit un baiser d’un charme tel
- Qu’ils en oublièrent le monde
- Et virent s’entr’ouvrir le ciel…
(Paolo s’élance au cou de Francesca ; un moment, ils demeurent enlacés l’un à l’autre, mais presque aussitôt Paolo s’arrache à l’embrassement et, se détournant, cède au remords. )
Ce livre est notre Galéhaut[1] !
- ↑ Galeotto fu il libro, e chi lo scrisse.
(Dante, Inf., cant. V. )