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avec indifférence des choses de notre sainte foi catholique. » Pour le fils favori, le Benjamin, le duc d’Anjou, Alava le peint doucereux, féminin, entouré de femmes qui lui caressent la main, les oreilles[1]. Il ne voit partout que des hérétiques, les maréchaux sont tous des « athées, » le cardinal de Lorraine est « l’ambition même, la convoitise incarnée ; » tout ce qui est Français lui semble affreux.

Après la paix de Saint-Germain, conclue en août 1570, paix sans sincérité et qui ne fut peut-être qu’une embûche, Coligny s’était retiré à La Rochelle. Le roi lui demanda de venir auprès de lui et, le 12 septembre 1571, Coligny parut à Blois. D’Aubigné raconte que Charles IX l’y reçut fort bien : « Le roi à l’arrivée l’appela son père et, après trois embrassades, la dernière une joue collée à l’autre, il dit de bonne grâce en serrant la main du vieillard : « Nous vous tenons maintenant, vous ne nous eschapperez pas quand vous voudrez. » La reine mère et Monsieur r’envièrent ces caresses de tout l’art en paroles et en contenances qu’ils avaient peu étudier. » L’ambassadeur de Venise, Alvise Contarini, confirme ce récit : « Le roi se tenait dans la chambre de la reine sa mère, qui étoit au lit, un peu malade. Il y avoit aussi la jeune reine, Madame, sœur du roi, le cardinal de Bourbon et le duc de Montpensier. Avec l’amiral, il n’entra dans la chambre que le maréchal de Cossé, et l’amiral fit au roi deux révérences des plus humbles. On vit alors sur le visage du roi, comme sur le sien, un changement remarquable : ils avoient pâli tous deux. » L’ambassadeur observa que la reine reçut l’amiral de bonne grâce, « quoique sans lui donner le baiser d’usage. » La jeune reine, « devenue toute rouge, » ne voulut pas se laisser baiser la main ni même toucher, elle se recula quand l’amiral mit genou en terre devant elle.

Il est clair que quelques-uns des acteurs de cette scène avaient le pressentiment du drame qui se préparait. Ce drame lui-même, l’entrée à Paris, les mariages, l’attentat contre l’amiral, l’exécution en masse des protestans, tout cela a été raconté mille fois. On a tout récemment écrit encore un livre curieux sur la question de la préméditation de la Saint-Barthélémy. Nous chercherons seulement, parmi tous les témoignages, ce qui concerne Catherine de Médicis.

Faut-il demander aux ambassadeurs vénitiens, témoins généralement si impartiaux, le secret de la Saint-Barthélémy ? M. Armand Baschet a fait connaître les témoignages de Sigismondo Cavalli, l’ambassadeur résident, et de Giovanni Micheli, alors ambassadeur extraordinaire. Micheli montre Coligny préparant le jeune roi à la

  1. Arch. nat. Document cité par M. Forneron, Histoire de Philippe II.