Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 51.djvu/188

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

dieu Mars que les dessins du temps montrent si grand, si fort, si bien fait, était décent, discret et silencieux ; il traita toujours Catherine, la mère de ses enfans, avec respect, et plus tard Catherine écrivait à Henri IV pour lui reprocher ses manques d’égard envers Marguerite de Valois : « Vous n’êtes pas le premier mari jeune et non pas bien sage en telles choses, mais je vous trouve le premier et le seul qui fasse après un tel fait avenu tenir tel langage à sa femme. J’ai eu cet honneur d’avoir épousé le roi monseigneur et votre souverain et de qui vous avez épousé la fille, mais de quoi il étoit le plus mairi, c’étoit quand il savoit que je susse de ces nouvelles-là ; et quand Mme de Flamin[1] fut grosse, il trouva très bon quand on la renvoya. » Le piquant de l’histoire, c’est que cette Mme de Flamin, au dire de Brantôme, avait été grosse du fait de Henri II, et que, si elle fut renvoyée, ce ne fut pas à la demande de Catherine, mais à celle de la duchesse de Valentinois. On ne trouve jamais le nom de Diane dans la correspondance de Catherine ; mais on peut bien deviner quels étaient ses sentimens pour la favorite, pour la reine d’Anet, plus reine qu’elle-même, arrogante, au cœur sec, déguisant à peine l’excès de son empire demi conjugal et demi maternel, sa rivale en toutes choses, courtisée des poètes et des artistes, dispensatrice de toutes les grâces. Le roi initiait Diane à toutes les affaires de l’état, quand personne ne devinait encore en Catherine la femme politique : celle-ci n’était consultée sur rien. Il fallut bien lui attribuer la régence quand Henri II alla faire la campagne qui donna à la France les Trois-Evêchés : mais son autorité fut purement nominale. Elle se dévoila pour la première fois dans une lettre adressée au cardinal de Bourbon ; elle s’y plaint des « prescheurs » qui soulèvent le peuple de Paris à propos de la guerre ; un cordelier a été blâmer dans la chaire de Notre-Dame l’alliance faite par le roi avec les princes allemands ; un jacobin, à Saint-Paul, a critiqué l’impôt de guerre « de vingt livres pour clocher sur les fabriques et joyaux des églises. » Elle revendique les droits de l’état, « quant aux vingt livres pour clocher, chose que le droit permet au dit seigneur pour la conservation de ses païs et subjects, au nombre desquels sont les églises et les monastères d’iceux, ne pourroient être tels deniers employés en œuvres plus pitoyables que pour éviter aux entreprises de ses ennemis, » et pour l’alliance avec les princes allemands, elle prie le cardinal de faire entendre au clergé « que l’intention du dit seigneur à cet endroit est si bonne et bien fondée, que l’on pourra connaytre cy-après, par ce qui en pourra sucéder, que le tout ne tend qu’au bien, repos et union de

  1. Mme Fleming, dame de Marie Stuart.