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un moment de sa tristesse, mais la mort de sa jeune épouse précipita sa fin et il suivit que de quelques jours dans la tombe. Catherine rappelle assez mal ce prince taciturne et silencieux ; elle lui ressemble un peu physiquement, ayant comme lui l’œil rond et la grosse lèvre épaisse, le sourcil vigoureux ; pour l’astuce, la patience politique, l’orgueil qui veut toujours agrandir sa place, il était difficile qu’ils ne fussent point transmis avec le sang de Médicis.

Nous ne raconterons point la jeunesse de Catherine et nous la prendrons seulement au moment où elle arrive en France et où commence la correspondance publiée par M. de La Ferrière. Les premières lettres sont rares et des plus insignifiantes ; elles sont adressées par Catherine à ses parens italiens ; elle étudie, elle observe, elle ne se livre à personne. Sa position est des plus difficiles. Cette fille, épousée « toute nue, » comme disait François Ier, n’a qu’une pensée, plaire au roi ; son mari, sombre, taciturne, uniquement occupé d’exercices du corps, la regarde comme un enfant et la délaisse. Elle s’insinue dans les bonnes grâces du roi par sa douceur, son air de néant, son assiduité ; elle courtise Marguerite d’Angoulême, la sœur aînée du tyrannique François Ier. Seul, Charles-Quint semble deviner la future reine. « Mandez-moi, écrit-il à son ambassadeur en France, un an après le mariage, quel traitement se fait à la duchesse d’Orléans, quelles gens elle a avec elle. » Catherine devint dauphine par la mort du fils aîné du roi. Elle restait malheureusement stérile ; le nouveau dauphin, une façon de François Ier tout en chair et en muscles, était entièrement sous le joug de Diane de Poitiers ; Catherine semblait comme un enfant à côté de l’impérieuse duchesse de Valentinois ; elle craignait le divorce et se réfugiait sous la protection de François Ier, le suivant de maison en maison, chassant toujours auprès de lui. Il se disait tout bas à la cour que la dauphine n’était devenue femme que fort tard : enfin, elle se trouva grosse en 1543, à vingt-quatre ans. « Mon compère, écrit-elle au connétable de Montmorency (qui était de son parti, comme ennemi de Diane de Poitiers), pour se que je say byen que vous desirez autant que moy de me voyr des enfans, je vous ay byen voulu escryre pour vous mander l’espérance que j’é d’estre grosse. » Elle accoucha d’un premier fils en 1544, à Fontainebleau ; les grossesses dès lors se succèdent sans interruption ; mais elle ne tenait le dauphin que par instans ; celui-ci ne vivait que pour Diane, qui seule le charmait et savait le distraire, qui tolérait ses fréquens écarts amoureux.

Quelle haine ne devait point mordre le cœur de Catherine, quand elle reconnaissait que parfois c’était sa rivale elle-même qui envoyait complaisamment le dauphin auprès d’elle ? Ce beau