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LA
PASTORALE DANS THÉOCRITE

II.[1]
LES LÉGENDES.

Un des faits les plus intéressans à étudier dans l’histoire des littératures, c’est le travail de l’art s’appliquant à des élémens nés d’eux-mêmes et leur donnant une nouvelle et durable existence. En réalité, ce travail est une des principales formes de l’invention littéraire. Chez les Grecs, qui ont beaucoup inventé, il se présente plus d’une fois à notre observation ; nous le rencontrons à l’origine même de la poésie, car il est au fond de ce que l’on appelle la question homérique. Les grands poèmes de l’Iliade et de l’Odyssée sont les résultats d’une élaboration de ce genre. On s’accorde aujourd’hui à penser que de ce sol poétique de la Grèce est sortie d’abord comme une germination spontanée de petits chants sur les hommes et sur les dieux. Quelque opinion qu’on ait d’ailleurs sur la manière dont ils vinrent se fondre en partie dans ces vastes ensembles, l’épopée apparaît à sa naissance comme une production naturelle et anonyme de l’âge héroïque chez une race privilégiée. Elle sort des entrailles mêmes de la Grèce, offrant son immense et mobile matière à la féconde industrie de l’art, qui la façonne et la fixe en lui imposant des formes et un rythme déterminés. Sans faire de Théocrite un Homère, il est intéressant de voir comment, dans des

  1. Voyez la Revue du 15 mars.