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navigateurs à cette terre le nom de terre de fumée. Le docteur Casilis, dans un livre intitule les Bassoutos, ou Vingt-Trois Ans dans le sud de l’Afrique, dit que l’herbe y atteint une telle hauteur qu’il faut la brûler, chaque hiver et que c’est pour ce motif que les arbres ont disparu, sauf sur le bord des rivières et sur le sommet des montagnes. Ce fait est confirmé par Livingstone et par le docteur Moffat, qui attribuent à d’autres causes encore la destruction des forêts, notamment à l’insouciance des indigènes et des colons, qui abattent des arbres pour satisfaire leurs moindres besoins, sans aucune préoccupation de l’avenir. Les troncs épars et les racines, qu’on rencontre au nord du fleuve Orange et même dans le désert de Kalahari prouvent que toute cette région était boisée. Au dire des habitans, il existait autrefois, une vaste forêt composée surtout d’acacias giraffea entre le Transwaal et les chutes du Zambèze ; aujourd’hui, elle a disparu et la sécheresse a succédé aux plaies qui fécondaient la campagne. Il y a également chez les Hottentots une tradition d’après laquelle la vallée du Zonderende était autrefois ombragée par une forêt d’arbres magnifiques qui a été incendiée pendant la guerre entre les premiers colons et les indigènes. En suivant le cours de la rivière, on trouve en effet sur les bords de nombreuses souches de podocarpus, de custinia, et d’autres essences qui portent encore des traces de feu ; des troncs énormes d’une belle couleur rouge gisent sur le sol et présentent un bois absolument sain, bien que la destruction soit antérieure à la naissance d’aucun homme aujourd’hui vivant.

Les colons ont pris aux indigènes l’habitude d’incendier les prairies, et sur ces parties autrefois couvertes d’une herbe luxuriante, on ne rencontre plus que le buisson du rhinocéros (elytropapsus rhinocerotis) dont les graines transportées par le vent germent sur le sol préparé par le feu ; . les forêts consumées sont remplacées par des broussailles. Aux environs du Cap, un propriétaire avait planté une forêt de pins piniers qui, au bout de quinze ans, lui rapportait 300 livres ; elle fut détruite par un incendie allumé par un voisin. Il en a été de même d’une magnifique forêt de pins maritimes (pinus pinaster) qu’on voyait, il y a quelques années, en face de la montagne de la Table. Les forêts de l’état, pour ainsi dire livrées au pillage, se dégradent journellement et donnent chaque année un revenu moins considérable, et des montagnes que M. Brown dit avoir vu boisées lors de son premier séjour au Cap. sont aujourd’hui absolument dénudées. Ces incendies, qui sont allumés dans les broussailles soit pour défricher le terrain, soit pour en faire sortir la gibier, ne peuvent être maîtrisés, et lorsqu’ils sont activés par le vent, ils s’étendent sur des surfaces considérables. En 1865, il y en