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Les forêts protègent le sol et y maintiennent l’humidité. Par l’humus qu’elles fournissent, elle en augmentent l’hygroscopicité ; par leurs racines, elles facilitent l’infiltration des eaux dans les couches inférieures et eu empêchent les ravinemens ; par le couvert que donne le feuillage, elles forment un obstacle à l’évaporation. Elles exercent également une action sur le climat et la distribution des pluies, ainsi que l’ont démontré les expériences entreprises ; par MM. Mathieu à Nancy et Fautrat à Senlis[1]. En forêt, la température moyenne est toujours plus basse qu’en terrain découvert, mais la différence est moins sensible en hiver qu’en été ; les températures y sont moins extrêmes et plus égales du jour à la nuit, de saison à saison ; le refroidissement et réchauffement se produisent plus lentement et n’y occasionnent pas de variations brusques ; d’où l’on peut conclure que, si les forêts tendent à abaisser la température générale d’un pays, par contre, elles en diminuent les écarts et en éloignent les météores dangereux. Par cela seul que la température y est plus basse, il doit pleuvoir davantage sur un sol boisé que sur un sol nu, et les expériences citées plus haut confirment cette conclusion. La quantité de pluie qui, dans nos pays tempérés, tombe dans une région boisée est de 6 pour 100 supérieure à celle qui tombe dans une région dénudée ; le feuillage de la forêt retient environ un dixième de cette eau ; mais comme l’évaporation est cinq fois moins considérable sous bois que hors bois, le sol de la forêt conserve encore sa fraîcheur après que les terres labourées ont depuis longtemps perdu la leur. Les chiffres donnés par M. Mathieu ne sont applicables qu’à nos contrées ; mais dans les régions tropicales, les différences qu’on constate entre les parties baisées et les parties dénudées sont bien plus sensibles. Ces expériences ont, en effet, été répétées au Cap et ont démontré que l’évaporation en terrain nu est bien plus considérable qu’en terrain couvert ; M. Blore constata qu’en six jours, cette différence était de 1 pouce dans des vases de 60 pieds de diamètre ; or un pouce en six jours donne 17 pouces pour les cent deux jours que dure la sécheresse ou 384,000 gallons par acre (soit 4,300 mètres cubes par hectare). Ainsi, pour chaque hectare de forêt détruit, il s’évapore en pure perte chaque année 4,300 mètres cubes d’eau.

Dans les parties dépourvues de boisées rayons solaires pénètrent sans, obstacle jusqu’aux couches profondes qu’ils échauffent et privent de leur humilité ; ils décomposent l’humus que les vents n’ont pas emporté en brûlant le carbone et restituant l’ammoniaque à l’atmosphère et réduisent l’hygroscopicité du sol, qu’ils stérilisent en

  1. Voir dans la Revue du 1er juin 1875 : Étude de météorologie forestière.