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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




14 avril.

Puisque le parlement a pris congé pour un mois, puisque les représentans de la France, sénateurs et députés, sont dispersés dans les provinces, ils pourraient bien, les uns et les autres, profiter de ces loisirs de printemps pour s’éclairer et s’instruire, pour étudier un phénomène d’un intérêt à la fois piquant et sérieux. Les uns et les autres, sénateurs et députés, les députés bien plus encore que les sénateurs, devraient se demander comment il se fait que leur départ soit d’habitude le signal d’une sorte d’apaisement, qu’il laisse tout le monde tranquille, et que leur retour, au contraire, réveille les inquiétudes, les incertitudes, les impatiences.

C’est un fait avéré, plus d’une fois constaté, à peu près invariable : avec les vacances des chambres on se sent soulagé provisoirement, on a du repos pour quelques mois ou pour quelques semaines ; avec les sessions, telles qu’elles se passent depuis quelques années, on se sent moins rassuré, on éprouve toujours une vague impression de malaise. En un mot, on craint la rentrée des chambres et les longues sessions plus qu’on ne les désire. L’opinion, sur ce point, se montre assez souvent sceptique et fatiguée. Comment cela se fait-il ? Ce n’est pas sans doute que dans le fond le pays ait le dégoût du régime parlementaire et qu’il soit disposé à revenir aux carrières, à se laisser ramener aux régimes d’absolutisme qu’il a connus, dont il a fait la dure expérience, dont il expie encore les fautes et les excès. Le pays tient sûrement aux inslitutions libres ; il aime les débats des assemblées, il met son plaisir et son intérêt dans les discussions où il voit ses affaires traitées sérieusement. Il n’est pas découragé de la liberté, il a des faiblesses pour l’éloquence, quand il y en a, et s’il éprouve un indéfinissable malaise au spectacle de certaines de nos sessions, ce n’est pas la faute