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vérité incomplète, si on ne les soumettait pas à une analyse minutieuse.

En effet, il ne s’agit pas seulement de connaître l’accroissement absolu, mais surtout l’accroissement relatif, c’est-à-dire celui qui se rapporte au chiffre total de la population existante. Cela se comprend sans peine. Pour un petit pays, l’accroissement absolu peut être peu considérable, alors que l’accroissement relatif est très grand. Ainsi, par exemple, pour le Danemark, l’augmentation absolue a été en dix ans (de 1870 à 1880) de 18,726 habitans par an, c’est-à-dire bien inférieure à l’accroissement de la France, et cependant, toutes proportion gardées, il a été plus considérable qu’en France, car la France est vingt fois plus peuplée que le Danemark, et le croit de la France devrait être aussi grand que celui de vingt Danemarks.

Si nous rapportons l’accroissement annuel au chiffre de la population, nous avons les données suivantes :

ACCROISSEMENT ANNUEL MOYEN POUR 10,000 HABITANS.


France 26
Royaume-Uni 101
Allemagne 115
États-Unis 260

Cela signifie que 10,000 Français au début de l’année 1882, je suppose, formeront à la fin de l’année une population de 10,026, tandis que 10,000 Américains, pendant la même période, formeront une population de 10,260.

Il me semble qu’en présence de résultats si démonstratifs, il ne faut plus parler de l’aridité, mais de l’éloquence des chiffres. Quelles déclamations, quelles dissertations auront la valeur de ces nombres implacables, qui montrent à quel point est minime l’accroissement annuel de la France?

Mais il faut pénétrer plus profondément dans la question ; car l’accroissement de la population en hommes est pour chaque pays soumis à des fluctuations diverses. Il y a d’abord les annexions ou les soustractions de territoires, qui changent, non pas la langue des peuples, mais leur nationalité. Pour nous, hélas ! nous avons subi en 1871 une cruelle mutilation qui nous a privés, au moins momentanément, d’un million et demi de loyaux compatriotes. De sorte que les chiffres ci-dessus ne représentent pas l’accroissement normal réel de la France, ce qu’on a justement appelé l’accroissement physiologique, mais seulement l’accroissement total, celui qui résulte des fluctuations de la politique, aussi bien que de l’excédent des naissances sur les décès.