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I

Comment est née la discussion actuelle ? Pour quels motifs, à la suite de quels incidens, le régime établi et pratiqué depuis de longues années est-il devenu l’objet de si violentes critiques ? Sous quelles inspirations se sont produits ces projets de rachat qui, indépendamment de leurs conséquences financières, renferment toute une révolution économique ? Il est utile de remonter ainsi au point de départ et de rechercher l’origine de ce grand débat.

Constatons, d’abord, que l’abandon du régime établi n’était aucunement réclamé par l’opinion publique. Le pays désirait l’extension plus rapide du réseau, des facilités plus grandes pour les transports, des abaissemens de tarifs, en un mot des améliorations et des réformes, mais les plaintes et les vœux que provoquait l’organisation des voies ferrées n’avaient point jusqu’à demander que l’état fut substitué aux compagnies. — Le gouvernement ne souhaitait pas davantage un changement de système. Tous les ministres qui, depuis 1870, s’étaient succédé au département des travaux publics, avaient respecté et défendu le régime des concessions pour le service des voies ferrées et pour l’extension du réseau. — Quant aux assemblées politiques, leurs décisions persévérantes avaient également consacré ce régime. Si la commission des chemins de fer, instituée par l’assemblée nationale, manifesta d’abord quelque défiance au sujet d’une organisation qui, pour les hommes politiques de cette époque, avait le grave tort d’être née sous l’empire, elle ne tarda pas, en présence des résultats mûrement étudiés, à revenir sur ses premières impressions, et elle prit en toute occasion la défense du système, non-seulement contre les idées de rachat, mais encore contre les propositions qui tendaient à affaiblir l’action et à entamer le domaine des six grandes compagnies. Plus tard, une commission du sénat, après avoir procédé à une enquête très approfondie, conduit de la façon la plus énergique au maintien du régime actuel. C’est seulement au cours de la dernière législature que la chambre des députés a vu s’engager la question du rachat et se produire pour la première fois, avec un caractère sérieux, les combinaisons politiques et financières que l’on propose d’appliquer aujourd’hui à l’organisation des voies ferrées. Jusque-là, personne, on peut le dire, ni dans le gouvernement, ni dans le parlement, aucun parti politique, aucune doctrine économique, ne songeait à une révolution pareille, et l’opinion publique ne s’en inquiétait pas.

Le rachat n’apparut d’abord que comme un expédient préférable à tout autre pour prévenir la ruine de plusieurs compagnies