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est, pour la majeure part, payé par les classes riches. Ajoutons que s’il ne s’est pas accru comme tous les autres impôts, s’il a été au contraire constamment réduit, il se trouve en fait, dans la plupart des cas, racheté par une foule de subventions que, sous des titres divers, l’état accorde aux populations rurales.

Ayant eu récemment la curiosité de vérifier le budget d’une commune d’importance moyenne, d’une population d’un millier d’habitans et d’une contenance de 1,500 hectares, je n’ai pas été peu surpris de voir que, sur une somme de 15,000 francs environ, mise à la disposition de l’administration municipale, moins de la moitié provenait des ressources directes de la commune et près de 8,000 fr. des subventions de l’état accordées pour les seuls services de l’instruction publique et des chemins vicinaux. Cette subvention était supérieure de près du double au principal de l’impôt foncier, qui ne s’élevait qu’à 4,700 francs pour toute la commune; et encore bien certainement plus de la moitié de cette somme est-elle payée par des propriétaires ne résidant pas dans la localité, bien qu’ils en supportent les charges particulières.

Le fait que je cite n’est pas une exception. Il se produit partout, et si, sur bien des points, la situation matérielle de nos populations rurales laisse encore beaucoup à désirer, c’est à tort qu’on croirait devoir l’attribuer au poids excessif de l’impôt. Il y a là une de ces vieilles erreurs consacrées par le temps, trop enracinée dans les esprits pour qu’il puisse être permis de la signaler et de la relever sans s’exposer à être traité de paradoxal par tant de gens qui ont intérêt à la maintenir. Il n’en est pas moins vrai que, loin de contribuer dans une proportion exagérée aux charges de l’impôt, les populations rurales absorbent et au-delà ce qu’elles donnent et sont en fait entretenues et subventionnées par les populations des villes, qui supportent seules les impôts directs les plus onéreux et la presque totalité des impôts indirects.

S’il est des économistes à idées généreuses qui cependant réclament la réduction de l’impôt foncier, il en est d’autres, à visées plus larges, qui ne prétendent à rien moins qu’à la suppression de la rente de la terre; comme si l’application d’un pareil principe ne devrait pas entraîner la ruine publique, l’annihilation de fait du capital foncier, qui ne peut avoir de valeur réelle et de raison d’être que s’il représente une valeur échangeable et productive de revenu, aux mains de celui qui la possède !

Les propriétaires du sol, par un excès d’abnégation et de désintéressement patriotique qu’on ne saurait exiger d’eux, s’entendraient-ils pour renoncer à toute rente, à tout revenu locatif de la terre qu’ils n’exploitent pas directement, que ce généreux abandon de leur part ne