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impôt ni rente de la terre. Je doute qu’il en soit ainsi et que l’état américain puisse alimenter son budget et, qui plus est, rembourser sa dette, sans faire contribuer à un titre quelconque la production agricole, qui est sa plus importante industrie. Admettons-le cependant et voyons ce qu’ont réellement d’onéreux et d’excessif les charges qui grèveraient, dit-on, notre agriculture.

Il y a toujours eu chez nous un impôt particulier qui de tradition restait impopulaire et dont la suppression était le thème habituel des candidats de popularité. Il y a trente ans, c’était l’impôt du sel, en fait celui de tous nos impôts qui rentrait le plus facilement, avec le moins de frais, qui pesait du poids le moins lourd sur l’alimentation publique. Mais il avait contre lui le souvenir des exactions des anciennes gabelles, et l’on a dû le supprimer au détriment du trésor, sans profit appréciable pour les classes pauvres qui ne se sont jamais aperçues de sa disparition. Aujourd’hui, pour des causes analogues, c’est l’impôt foncier qui a hérité des méfaits de l’impôt du sel, et bien peu de ceux qui en demandent la réduction se doutent peut-être de son peu d’importance réelle.

Sous l’ancien régime, quand l’impôt du sol était la ressource la plus certaine du budget, les gouvernemens ne cherchaient qu’à l’accroître, et une aggravation de taxe était habituellement le résultat le plus immédiat d’un nouveau règne. Depuis la révolution, les choses ont bien changé. Il est peu de gouvernemens nouveaux, et le nombre en est grand, qui se soient établis sans dégrever l’impôt foncier. La république de 1848 seule a fait exception, et l’impopularité de ses 45 cent, n’a pas peu contribué à la discréditer dans les masses. L’empire, mieux avisé, a débuté par un dégrèvement d’une trentaine de millions.

Somme toute, depuis un siècle, pendant que notre budget voyait quadrupler et quintupler ses charges totales, l’impôt foncier, seul réduit, de plus de moitié probablement, ne représente plus qu’un appoint fort insignifiant. Restreint aux propriétés non bâties, il ne figure pas pour plus de 118 millions au budget de 1881. Sa suppression complète, si elle était répartie en entier sur la production du blé, qui est de près de 120 millions d’hectolitres, n’en diminuerait pas le prix de revient de plus de 1 franc par hectolitre. Réparti, ce qui est plus logique, sur l’ensemble de la production agricole, dont le blé ne représente qu’un tiers, l’allégement obtenu n’irait qu’à 33 centimes par hectolitre. Ce n’est pas là, il faut l’avouer, ce qui pourrait améliorer notablement la situation agricole.

Cet impôt d’ailleurs ne pèse pas, comme celui du sel, plus particulièrement sur la classe pauvre, qu’on voudrait surtout soulager. Il