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REVUE DRAMATIQUE

Comédie-Française : les Rantzau, pièce en 4 actes, de MM. Erckmann-Chatrian. — Odéon : une Aventure de Garrick, comédie en 1 acte et en vers, de MM. F. Labrousse et P. Fernay. — Vaudeville : l’Auréole, comédie en 1 acte et en vers, de M. Jacques Normand.

MM. Coquelin aîné, Got et Worms, de la Comédie-Française, ont remporté cette semaine un grand succès dans les Rantzau, de MM. Erckmann-Chatrian, pièce en quatre actes où l’on ne mange pas : c’est la visite de digestion de l’Ami Fritz. Il faut dire que les auteurs offraient aux comédiens une bonne occasion de se faire applaudir, comme à l’administrateur-général de montrer une fois de plus son talent de metteur en scène; il faut expliquer en quoi l’occasion était bonne et aussi pourquoi le succès n’est qu’un succès d’occasion.

Les Rantzau de cet ouvrage ne sont pas les Rantzau de l’histoire : ils ne sont pas Danois, mais Lorrains, ni hommes d’état ni de guerre, mais marchands de bois dans un village sous le règne de Charles X. Les personnages de cette pièce, à les regarder ensemble, sont tous de petites gens, des gens de province et de bonnes gens : trois raisons excellentes pour qu’ils soient agréables, aujourd’hui que le public est las de high-life, de parisianisme et de vice. En effet, voyez où nous en sommes, un siècle après Diderot. Cet inventeur de systèmes, cet agitateur d’idées avait découvert que peut-être il était temps de mettre à la scène, pour nous émouvoir aussi bien que pour nous faire rire, d’autres personnages que des puissans et des grands de ce monde; il avait proposé à la sympathie de ses contemporains un genre nouveau