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par la police; celui qui est expulsé reçoit un passeport pour se rendre directement à la frontière, à l’aide de fonds qui lui sont attribués pour fiais de route par les autorités locales.

Voilà comment les peuples les plus rapprochés de la France ont entendu le droit d’expulsion. Je demande s’il est possible, après examen de ces diverses législations, de dire avec M. Clovis Hugues « qu’après la révolution française, nous n’avons pas le droit de parler de l’étranger, nous n’avons pas le droit de tracer des limites et des frontières. » Si l’on peut admettre qu’il n’y ait plus d’Alpes et de Pyrénées pour la France, c’est à la condition qu’il n’y ait plus de Pyrénées pour l’Espagne ni d’Alpes pour l’Italie.


III.

Comment se pourrait-il, en effet, que l’Europe entière gardât le droit d’expulser nos nationaux, tandis que nous abdiquerions le droit d’expulser les étrangers? Le même jour, à la même heure, nos voisins pourraient, aux premiers indices d’agitation, nous renvoyer nos compatriotes, et nous ne pourrions pas, quand notre sécurité serait le plus évidemment compromise, nous débarrasser des leurs! D’abord il serait étrange que cette loi de préservation nationale fût utile à tous, sauf à nous-mêmes. En tout cas, il serait inconséquent de briser entre nos mains l’arme que nous laisserions à tout le continent et que le continent entier, à un moment donné, pourrait diriger contre des Français. Notre situation n’est, sous aucun point de vue, comparable à celle de l’Angleterre. Il serait puéril de nier que, depuis un siècle, notre pays a été bouleversé par beaucoup de révolutions et mêlé à beaucoup de querelles internationales. Nous ne sommes pas d’ailleurs isolés de tous les côtés, soit par la mer, soit par des frontières naturelles. Il est donc facile aux étrangers de pénétrer sur notre territoire ; il ne leur est pas difficile, à certains momens, d’y semer l’agitation; il ne leur est pas plus difficile, à d’autres momens, d’y épier nos travaux militaires et nos préparatifs de défense. Nous sommes donc particulièrement intéressés à surveiller ces étrangers, et, si nous les surveillons, c’est apparemment pour arrêter, le cas échéant, leurs menées ou leurs tentatives en les mettant hors d’état de nous nuire. C’est ce que le législateur français a compris.

Une loi du 23 messidor an III décide que « tout étranger, à son arrivée dans un port de mer ou dans une commune frontière de la république, se présentera à la municipalité, y déposera son passeport, qui sera renvoyé de suite au comité de sûreté générale pour y être visé et qu’il demeurera, en attendant, sous la surveillance de la municipalité, qui lui donnera une carte de sûreté provisoire