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recourir à la garantie pendant cinq ou six ans au moins, et ce ne sera pas avant dix ou douze ans qu’elle pourra se libérer. Une seconde somme de 60 millions est due par la compagnie de Lyon-Méditerranée, qui est très riche, mais qui n’a pas recouru à la garantie pour la totalité de son réseau ; elle n’y a fait appel que pour deux catégories de lignes qui sont considérées comme étant à part de son réseau général, à savoir la ligne du Mont-Cenis et les lignes algériennes. Or, ces tronçons ayant encore un trafic insuffisant, la compagnie de Lyon ne pourra être contrainte avant plusieurs années à un remboursement quelconque vis-à-vis du trésor; si elle consent, comme le lui demande M. Léon Say, à verser à l’état 15 millions, c’est par un simple acte de bonne volonté, car, en dehors d’une convention nouvelle, l’état pourrait attendre peut-être dix ans avant de recevoir un centime sur ces 15 millions. L’état compte obtenir de la compagnie d’Orléans la totalité de ce qu’elle lui doit, soit 205 millions; enfin la compagnie de l’Est, qui est moins aisée que celle d’Orléans, lui verserait 40 millions sur les 130 dont elle est débitrice. Il n’est pas question dans ces arrangemens de la compagnie du Midi, parce qu’elle a pris l’habitude de se libérer si rapidement, en dehors de toute convention nouvelle, que dans quatre ans au plus elle ne devra plus rien sur les 40 millions dont elle était débitrice au 31 décembre 1879.

On ne se rend pas généralement bien compte des avantages que le remboursement immédiat ou très prochain des 260 millions en question procurera à l’état et des charges qu’il imposera aux compagnies. En premier lieu, l’état n’aura à payer aucun intérêt pour le remboursement de cette somme importante. Si, à défaut de conventions nouvelles avec les compagnies, il recourait à l’intermédiaire d’établissemens de crédit, ceux-ci seraient tenus de lui demander un intérêt de plusieurs millions par an, puisque la dette des compagnies est conditionnelle, graduelle et qu’elle n’est elle-même qu’en partie sujette à intérêt. Quant aux compagnies, la charge que leur imposera le remboursement immédiat ou prochain des avances du trésor est beaucoup plus considérable qu’on ne le suppose. Les explications de l’honorable M. Varroy à ce sujet sont, notamment, incomplètes. « Le remboursement anticipé, dit-il, impose aux compagnies une légère charge supplémentaire en intérêts ; en effet, elles auront à payer aux porteurs d’obligations substitués à l’état comme créanciers un intérêt de 4 ¼ à 4 1/2 pour 100, amortissement compris, tandis qu’elles ne paient aujourd’hui à l’état qu’un intérêt simple de 4 pour 100, équivalant à un intérêt composé sensiblement inférieur. » Ces observations ne sont exactes qu’en partie; le préjudice qu’imposera aux compagnies le remboursement anticipé ne consiste pas simplement dans la différence de l’intérêt