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250 millions de francs représentant les dépôts nouveaux probables pour les années 1882 et 1883. Voilà un milliard; en y ajoutant la consolidation des fonds de cautionnement et de quelques autres créances, on arrive à 1,200 millions. En ce qui concerne les 250 millions de rente amortissable qui seront délivrés directement par le trésor pour représenter les dépôts nouveaux aux caisses d’épargne dans l’année courante et l’année prochaine, il faut remarquer que la situation de ces caisses n’en sera nullement altérée, puisqu’on tout état de cause elles eussent dû acheter des titres sur le marché. La Bourse seule pourrait se plaindre qu’on la privât d’un certain courant de demandes. Quant aux 300 millions de bons du trésor à long terme qui seront remplacés par de la rente amortissable, on peut faire l’objection que la première valeur étant facilement réalisable, les caisses d’épargne se trouveront avoir moins de ressources liquides ou à prochaine échéance. Que cette objection ait quelque vérité, on ne le peut contester. Mais il n’y a pas toujours eu dans les finances de la France des bons du trésor à long terme, et il n’y en aura pas toujours; quand ceux-ci seront expirés, il faudra bien que les caisses d’épargne en fassent le remploi en rentes; il n’y a aucun inconvénient sérieux, surtout avec la clause de sauvegarde, à ce que ce remploi se fasse immédiatement. La situation du trésor en deviendra plus nette et celle des caisses d’épargne n’aura pas périclité.

En créant ces rentes amortissables immobilisées ne viole-t-on pas indirectement la formule : «Pas d’emprunt, » qui a figuré dans le programme du ministère? Non; il n’y a pas là d’emprunt public, cela est clair ; il n’y a pas non plus d’emprunt dissimulé, puisque c’est simplement une dette nouvelle d’égale somme qui se substitue à une dette toujours exigible. Ce n’est certainement pas la faute des ministres présens si, à la dérobée, clandestinement, sans que le parlement s’en doutât, par suite d’un détestable système financier dans lequel beaucoup de députés imprudens voudraient encore persévérer, une dette flottante colossale, inouïe, s’est constituée, et si cette dette flottante, une fois connue, exige, dans l’intérêt de l’avenir, un règlement. Ces rentes amortissables une fois remises à la caisse des dépôts et consignations ne viendront-elles pas un jour encombrer le marché? Il n’y a aucune raison pour qu’il en soit ainsi. Les rentes seront immobilisées comme le sont celles de la Banque de France qui, à aucun moment, n’ont été réalisées. Il faut bien que la caisse des dépôts ait un avoir productif, or nul avoir ne saurait être pour elle plus productif que les rentes amortissables. En tous pays, ce sont les titres d’emprunts en annuités amortissables qui forment le fonds habituel des grandes caisses de ce genre et des sociétés d’assurance.