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des travaux projetés; il a simplement été employé à couvrir des travaux déjà effectués; l’emprunt était dépensé avant d’avoir été souscrit. Aussi, au lendemain même du jour où le dernier versement a été fait, le trésor n’a guère de ressources. La plus grande partie des dépenses extraordinaires de 1881 et la totalité de celles de 1882 n’ayant rien à attendre du dernier emprunt en rente amortissable, c’est à la dette flottante qu’il a fallu s’adresser pour y pourvoir. La dette flottante, c’est l’ensemble des comptes que le trésor a avec certains correspondans, dont la plupart ne lui confient leurs fonds qu’en se réservant de pouvoir les retirer, en cas de besoin, immédiatement ou dans un court délai. La fonction propre de la dette flottante, c’est de fournir au trésor un fonds de roulement, c’est aussi de faire face aux découverts des anciens budgets qui ne se sont pas soldés en équilibre. Les impôts rentrant aujourd’hui beaucoup plus régulièrement qu’autrefois, il en résulte que la fonction de la dette flottante, comme fonds de roulement, va toujours en diminuant; quant aux découverts des anciens budgets, ils s’élèvent à 700 millions seulement, d’où l’on peut conclure qu’une dette flottante de 1 milliard ou 1,200 millions serait très suffisante. Dans tous les pays qui ont de bonnes finances, la dette flottante est très faible; en Angleterre, elle ne s’élève que très exceptionnellement à 250 millions de francs; en Turquie, au contraire, et en Égypte, avant la réorganisation des finances de ce dernier pays, en Espagne encore aujourd’hui, la dette flottante est énorme. Chez nous, elle est en train de prendre des proportions qu’elle n’a eues nulle part ailleurs. La liquidation des dépenses extraordinaires des exercices 1881 et 1882 exigerait que l’on ajoutât 1 milliard 179 millions à la dette flottante; si l’on suit le même système pour 1883, il faudra y joindre encore 621 millions. Enfin le développement donné à la caisse des chemins vicinaux et à la caisse des écoles va encore introduire un nouvel élément de 892 millions; et voilà, comment subrepticement, sans que, en dehors de quelques personnes perspicaces, aucun s’en doutât, on est sur le point d’avoir une dette flottante de plus de 3 milliards de francs, dont 2 milliards 300 millions d’origine tout à fait récente et 700 millions seulement d’origine ancienne.

Ce ne sont pas uniquement les moyens de trésorerie qui deviennent périlleux. Le système auquel on a recours pour les travaux publics joint au débordement inouï de dépenses de toute sorte dues à l’initiative parlementaire va mettre singulièrement à l’étroit nos opulens budgets. Combien déjà ne se sont-ils pas accrus? Les recettes ordinaires du budget de 1869, déduction faite de celles qui sont afférentes aux territoires cédés à l’Allemagne, se sont élevées, d’après