Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 50.djvu/560

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Quoi qu’il en soit, ces excédens, ou réels ou apparens, montent à des sommes considérables : 78 millions en 875, 98 millions en 1876, 63 millions en 1877, 62 millions en 1878, 75 millions en 1879, 134 millions en 1880, 68 millions en 1881. Ces chiffres sont singulièrement brillans ; ils sont un peu trompeurs. Il ne faudrait pas les additionner les uns aux autres, car l’addition serait inexacte. Depuis quelques années, en effet, dans ce débordement de prospérité, on a pris des habitudes de comptabilité singulière. On s’empare de l’excédent d’une année et on le porte en recette à l’une des années qui le suit, si bien que le même excédent peut reparaître trois ou quatre fois dans nos budgets successifs, absolument comme les soldats du cirque.

Les énormes plus-values de recettes qui ont rempli la période commencée en 1875 devaient naturellement porter a des dégrèvemens. Rien n’était plus utile que d’employer à soulager le contribuable les premiers accroissement spontanés du produit des impôts. On s’est conformé à ce devoir, avec trop de parcimonie peut-être, on a fait remise au pays d’environ 300 millions de taxes, dont 215 millions dans les seuls exercices 1879 et 1880. La France n’en supporte pas moins encore les deux tiers des impôts établis au lendemain de la guerre.

Avec les dégrèvemens ont marché de pair les dépenses extraordinaires. Elles sont de deux sortes : les unes destinées aux ministères de la guerre et de la marine, dont les approvisionnemens et le matériel étaient épuisés ; les autres affectées aux grands travaux publics que l’on a voulu reprendre en abandonnant les procédés anciens. On a ouvert un premier compte de liquidation, puis un second ; ensemble ils ont atteint environ 2 milliards. Cette expression de compte de liquidation paraissant un peu ridicule pour des dépenses qui se continuent onze ou douze ans après la guerre, on a clos ou l’on va clore ces deux comptes, et on les remplace par un « budget des dépenses sur ressources extraordinaires. » Ce budget a atteint dans ces dernières années un chiffre annuel de 500 à 900 millions. Les exigences des ministères de la guerre et de la marine paraissent avoir diminué à la suite des énormes satisfactions qu’ils ont reçus dans les années qui ont suivi la guerre, mais les appétits du ministère des travaux publics vont en croissant. On connaît le célèbre plan de M de Freycinet pour l’aménagement de rivières et des canaux, l’outillage des ports, la constructions des chemins de fer. D’après les premières relevés, ces dépenses extraordinaires devaient s’élever à 4 milliards environ en dix ou douze ans ; des annexes successives sont venues se souder au plan primitif, et aux termes d’un rapport fait au sénat par M. Varroy en date du