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parlementaire où les lords ont voté une enquête et où les communes, sur la demande du ministère lui-même, ont voté que cette enquête serait préjudiciable aux intérêts de l’état. On en est là, avec les deux chambres en présence, à propos d’une des questions les plus graves et les plus brûlantes pour l’Angleterre.

Une autre affaire qui touche aussi au droit parlementaire, qui n’est pas moins caractéristique, s’est élevée ou plutôt n’a fait que recommencer récemment à Londres. Il s’agit toujours de M. Bradlaugh, l’éternel candidat, l’éternel élu de Northampton, dont l’odyssée devient démesurément longue. Le malheur de M. Bradlaugh est de s’être présenté du premier coup en champion bruyant de la libre pensée ou de l’athéisme, d’avoir cru pouvoir forcer les portes du parlement en refusant avec ostentation de se soumettre à la règle du serment au nom de Dieu. Or, quelque libérale qu’elle soit en grande majorité, la chambre des communes est encore trop soumise à l’empire des traditions pour rompre avec tout son passé. Le chef du ministère lui-même, quoique favorable à une modification de la formule du serment, M. Gladstone, n’a pas cru devoir s’engager sérieusement et risquer de violenter les sentimens de bon nombre de libéraux, ses amis. Lorsque M. Bradlaugh s’est présenté la première fois bannière levée, il n’a pas été admis ; il a eu même contre lui une assez forte majorité. Lorsque, après une seconde élection, le député de Northampton a cru pouvoir se décider à la prestation du serment, on lui a objecté qu’il n’y croyait pas, on lui a rappelé ses premières déclarations. Lorsque, malgré tout, l’an passé, il a voulu pénétrer dans le parlement par effraction, au nom du droit souverain de ses électeurs, on l’a expulsé par ordre du speaker. Quand, plus récemment, il a essayé de se glisser dans la chambre par subterfuge, il a été renvoyé. Il vient de se faire élire une troisième ou quatrième fois à Northampton, et avant qu’il ait eu le temps de se présenter, le chef des conservateurs, sir Stafford Northcote, a fait prononcer ou maintenir son exclusion. Un membre du parti libéral, avec l’appui du chef du cabinet, s’était efforcé de réserver au moins la question en proposant une motion qui aurait pu préparer une solution en substituant une simple affirmation au serment ; cette motion a été repoussée. M. Bradlaugh continue à rester hors du parlement ; il y restera tant que l’esprit de l’assemblée n’aura pas changé, tant que M. Gladstone lui-même n’aura pas pris le grand parti de se mettre à la tête de cette campagne pour la modification du serment, au risque de se heurter encore une fois contre la chambre des lords, qui ne semble guère disposée pour sa part à laisser affaiblir le caractère religieux que le serment a gardé jusqu’ici.

Voilà donc la plus vieille des nations parlementaires aux prises avec de difficiles affaires. Conflit entre le droit traditionnel du parlement et