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les circonstances difficiles, la pierre de touche du patriotisme soit de se demander : Qu’est-ce qu’aurait dit Washington ? Qu’est-ce qu’aurait fait Washington ? » cette exclamation ne trahit-elle pas le regret que tous les derniers présidens des États-Unis n’aient pas pris également modèle sur le désintéressement et l’intégrité du premier ? A la fin de son discours, ses inquiétudes s’expriment même d’une façon plus ouverte : « Nous ne pourrions, dit-il, même si nous le voulions, cacher aux autres et à nous-mêmes que toutes choses dans ces derniers temps n’ont pas été dans notre pays comme elles auraient dû aller, et que beaucoup d’esprits se demandent ce que nous réserve l’avenir avec un sentiment d’anxiété et même de crainte. » Le vice, le crime, la corruption, la débauche se promènent dans nos rues, levant leur tête audacieuse et indomptée en face des monumens et des statues élevés en l’honneur du patriotisme et de la vertu. N’y a-t-il même pas, dans quelques-unes de nos fonctions publiques les plus hautes, certains symptômes de malaria cent fois plus pestilentiels que ceux qui ont jamais pu s’exhaler du Potomac ou des Marais-Pontins, infectant tous nos services civils et faisant couler du poison dans les veines mêmes de la nation ? » Mais ces dangers ne découragent pas les espérances patriotiques de M. Winthrop, et pour les conjurer, il compte « sur la crainte de Dieu, qui doit toujours et plus que jamais être le commencement de la sagesse, et sur un large système d’éducation nationale, non point un système prenant pour base des théories philosophiques abstraites ou des phrases retentissantes sur la liberté, encore moins un système adoptant la conception d’une création sans Dieu et s’efforçant de détrôner le Rédempteur de la place qu’il doit occuper dans les cœurs, mais un système s’appuyant sur les vieux enseignemens familiers, les dix commandemens, le sermon sur la montagne et la lettre de démission de Washington. » C’est sur ces enseignemens que M. Winthrop compte pour préserver à l’avenir dans sa patrie bien-aimée l’unité, la paix et la concorde. Il termine sur ces paroles au milieu des applaudissemens, et je suis chargé par mes compagnons de lui exprimer notre reconnaissance pour la manière dont il a parlé des familles françaises. Encore un chœur patriotique : the Star spangled banner, et la cérémonie est terminée.

Restent celles du lendemain : une revue militaire et une revue navale. Mais un peu lassés sans doute de ces divertissemens officiels, mes lecteurs me sauront gré d’en abréger le récit. Peut-être la revue des troupes aurait-elle eu plus de pittoresque si on ne nous avait pas installés dans une tribune le dos tourné à la baie, et si au contraire on les avait fait défiler entre la rivière et nous. Nous admirons encore une fois la bonne tenue de ces miliciens, dont une partie, appartenant aux états du Sud, est commandée par un général