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ronde et cordiale. A Washington, nous allons avoir la réception officielle, nécessairement plus cérémonieuse et plus froide. A peine débarqués dans la ville, nous sentons qu’à la différence de New-York et de Baltimore, la ville même et la société ne sont pour rien dans l’invitation que nous avons reçue. Le soin de nous accueillir a été laissé tout, entier aux membres du gouvernement, et nous devons leur savoir d’autant plus de gré de la peine qu’ils ont prise pour que rien ne manquât à notre réception, que nous sommes tombés dans un assez mauvais moment. L’invitation à nous adressée par le gouvernement des États-Unis était, bien entendu, antérieure à la mort du président Garfield. Or, sans parler du deuil sincère où ce tragique événement a jeté tout le pays, l’avènement au pouvoir de son successeur, le président Arthur, a singulièrement modifié la situation des choses et des personnes. Le président Arthur, bien qu’appartenant comme Garfield au parti républicain, était cependant le représentant d’une fraction différente de ce parti, et bien qu’il ait gardé jusqu’à présent les ministres de Garfield, chacun sait que ceux-ci ne doivent pas conserver longtemps une situation qu’ils ont au reste, dès le début, résignée entre ses mains. Au lendemain d’un aussi grand événement, dans cette situation précaire, il aurait donc été très naturel que l’organisation des fêtes d’Yorktown ne tînt qu’un rang secondaire dans leurs préoccupations et que les préparatifs de notre réception en souffrissent un peu. Il n’y paraît rien cependant, et nous trouvons tout le cérémonial réglé d’avance ou à peu près. Nous apprenons que nous devons d’abord être présentés aux ministres et que cette présentation aura lieu chez celui que nous appellerions en France le chef du cabinet, M. Blaine. M. Blaine est en effet à la tête du département d’état, c’est-à-dire du département ministériel où sont concentrées les relations du gouvernement fédéral avec les divers états de l’Union et avec les puissances étrangères. De là nous devons nous rendre au Capitale pour être présentés au président de la république et assister à une séance du sénat. Deux jours nous sont donnés pour visiter la ville de Washington et les environs et, le troisième, nous devons partir pour Yorktown. Notre introducteur, dans ces cérémonies officielles, doit être naturellement notre ministre, M. Outrey, que j’ai rencontré autrefois consul à Beyrouth et que je retrouve avec infiniment de plaisir à Washington, où il est fort apprécié. Depuis, notre gouvernement a malheureusement commis la faute de ne pas l’y laisser.

Suivant le programme, nous nous rendons le lendemain au département d’état, où nous sommes présentés officiellement à M. Blaine, avec lequel nous étions déjà, au reste, entrés en relation la veille, et à ses collègues, les autres ministres. De là nous partons en voiture, plus professionnellement que jamais, musique en tête, un