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mettent à l’abri d’une attaque de vive force et d’une surprise, et pour cela il faut que leur accès soit absolument interdit à l’ennemi…

Sans pousser plus loin ces conclusions de nos recherches, en admettant qu’elles ne soient pas d’une vérité absolue, n’est-il pas évident qu’elles contiennent une part de vérité que nul ne peut méconnaître ? En tous cas, elles étaient nécessaires pour répondre. en connaissance de cause à la question première que nous nous étions posée : Faut-il, dans l’intérêt de la marine et de la France, maintenir ou supprimer le port militaire de Rochefort ? Les prémisses nécessaires sont posées ; peut-être même avec trop de développemens ; il est temps d’entrer dans le vif de la question.


III


Les ports militaires de l’Allemagne sont Kiel et Wilhemshaven. Nous en emprunterons la description à un remarquable travail de M. Paul Merruau, publié ici même il y a six ans[1] :

« La baie de Kiel est entourée de collines élevées qui brisent le vent, l’amortissent et l’éteignent. Cette ceinture de hauteurs forme un mur autour du bassin de la baie, qui jouit ainsi d’une sécurité encore augmentée par un rideau de bois croissant sur les collines… Le fiord de Kiel a 16 kilomètres de longueur ; ouvert au nord, il s’enfonce au sud en faisant entonnoir. La ville de Kiel est au fond ; très évasé à l’entrée, le fiord se rétrécit à quelque distance, à un endroit où il est étranglé entre deux caps placés sur les deux rives vis-à-vis l’un de l’autre. C’est là qu’on avait construit en 1870 un triple barrage composé de chaînes, de chalands chargés de pierres et de torpilles ; il y existe une forteresse, Friederichshort, sur la pointe de terre qui s’avance à droite de l’entrée de la baie ; à gauche, sur l’autre rive, le cap est gardé par une redoute garnie d’une grosse artillerie ; entre la citadelle et la redoute, la passe est large au plus de 7 à 800 mètres, et pour détruire le barrage qu’on y rétablirait en temps de guerre, il faudrait opérer sous les feux croisés de ces deux ouvrages de défense très bien armés. L’escadre qui tenterait cette entreprise désespérée aurait, dans tous les cas, l’obligation d’éteindre d’abord les feux d’autres travaux défensifs qui précèdent Friederichshort et sont placés à l’ouverture de la baie, l’un en un lieu appelé Brauneberg et en face, sur le rivage opposé, une redoute à parapets blindés. Ce quadrilatère présente à l’ennemi plus de deux cents embrasures. Pourtant l’état-major général à Berlin ne trouve

  1. La Création de la flotte prussienne. Voyez la Revue du 1er mai 1870.