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Mais ces doutes, cette incertitude, n’étaient-ils pas le point de départ de nos recherches, le Quod erat demonstrandum ? serait-ce alors que ces recherches n’ont pas de résultats positifs, d’enseignemens pratiques, de leçons dont il faut tirer profit ? Nous croyons, au contraire, qu’en nous montrant ce qui n’est plus, ce qui ne peut pas être, elles nous ont conduit à ce qui doit être, qu’en nous signalant les dangers possibles d’une fausse sécurité, elles permettent de les conjurer.

L’empire de la mer, dans le sens étroit qu’il faut donner aujourd’hui à ces mots, est à la flotte cuirassée la plus nombreuse. Une nation maritime doit donc savoir contre qui elle veut maintenir cette souveraineté, et avoir une flotte cuirassée aussi nombreuse que celle de ses futurs adversaires. Exemple : l’Angleterre, qui veut maintenir contre tous sa suprématie navale et qui, par suite, maintient sa flotte cuirassée en état de lutter avec toutes celles du monde réunies contre elle. Cette règle subsistera tant que la preuve ne sera pas faite que le cuirassé d’escadre n’est pas la plus puissante unité de combat.

La course sera le moyen le plus efficace de ruiner le commerce ennemi. Il y a donc lieu de créer une flotte de croiseurs spéciaux. On a vu la Russie qui l’a voulue, l’Angleterre qui l’a créée avec une résolution et par des mesures exceptionnelles qui doivent servir d’exemple.

Le blocus de tout le littoral d’un pays est impossible ; celui d’un seul port est d’une difficulté extrême ; il n’est effectif que par la concentration de nombreuses escadres de blocus, échelonnées sur plusieurs lignes concentriques rayonnant autour de ce port. Il faut donc répartir sur plusieurs centres d’arméniens le point de départ de nos divisions navales et de nos croiseurs pour assurer leur entrée en mer libre.

Tout point du littoral peut devenir le point de débarquement d’une armée ennemie ; toute ville du littoral peut être incendiée et rançonnée par des flottes ou même par de simples croiseurs ennemis. Il faut donc encore répartir sur plusieurs centres d’action les élémens maritimes constitutifs de la défense des côtes : béliers, batteries flottantes, canonnières et thornycrofts ; il faut donc autant que possible mettre ces centres d’action hors de la portée des canons de plus haut calibre et empêcher par leur multiplicité et leur éloignement dans l’intérieur, que l’ennemi ne soit au courant de ce qui s’y passe.

Que nos escadres soient au mouillage dans nos ports et nos rades, se préparant à prendre la mer, ou qu’elles s’y présentent pour s’y ravitailler, s’y refaire après une croisière, un combat, il faut que de tout temps, accessibles pour elles, nos ports les