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certitude pourra-t-on dormir tranquille ? Eh bien, dans une rade, dans un port, dans un arsenal comme Toulon, il faut pouvoir dormir tranquille sous peine de voir épuiser de fatigue les équipages et les troupes, ruiner promptement le matériel et arrêter la. marche de tous les services. »

Ce qui est vrai de toute évidence pour Toulon l’est également pour Cherbourg, et ne paraît pas invraisemblable, même pour Brest, bien que l’écrivain si compétent que nous venons de citer ajoute : « Une flotte ennemie ne pourra jamais apparaître subitement au milieu de la nuit devant Brest… Pour y arriver, elle a d’abord à surmonter les obstacles d’une navigation étendue qui permettent le développement d’une défense formidable et qui donnent la certitude d’être prévenu suffisamment à l’avance. Ce n’est pas par une nuit sombre que l’ennemi pourra s’aventurer à toute vapeur dans l’Iroise et remonter le goulet de Brest ; pour cela, il faut qu’il y voie clair et qu’il s’avance avec une certaine prudence, afin de ne pas aller au-devant d’un naufrage durant ce long trajet. A portée du canon de la terre, l’action de l’artillerie combinée avec celle des torpilles fixes ou mobiles de toute nature pourra lui être funeste, et dans tous les cas, depuis le moment où la vigie d’Ouessant, sentinelle avancée, aura signalé l’ennemi, jusqu’au moment où il aura pénétré dans la rade, on aura tout le temps pour se disposer à le bien recevoir[1]. » — Tout arrive, rien n’est impossible, disait tout à l’heure l’auteur de la note que nous citons, et je m’en tiens à cet avis. Quant aux certitudes sur lesquelles repose son nouvel optimisme, peut-être sont-elles fondées, s’il ne s’agit que d’une escadre de haut bord ; que deviennent-elles, si les passes doivent être surprises, et plus tard les escadres au mouillage, par une flottille de thornycrofts à grande-vitesse, qui n’aurait certes pas besoin de pilote, dont la présence ne sera pas signalée par les vigies d’Ouessant, supprimées par l’ennemi dès le début de la guerre, s’il est maître de la mer ? Question d’audace, de résolution, de sang-froid et de science professionnelle. Qu’importe d’ailleurs ! la chose est humainement possible, et dans un port, dans une rade, dans un arsenal comme Brest, aussi bien qu’à Toulon, « il faut pouvoir dormir tranquille sous peine de voir épuiser de fatigue les équipages et les troupes, ruiner promptement le matériel et arrêter la marche de tous les services. »

Illustration et non démonstration, avons-nous dit, et certes ; nous ne pensons pas avoir dissipé les doutes que soulèvent les problèmes que nous avons agités, de nouveaux exemples y seraient inutiles.

  1. Amiral Du Pin de Saint-André, la Rade de Toulon et sa Défense ; Paris, Berger-Levrault.