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recherches, et qui nous permettent de les pousser plus avant, nous essaierons de les résumer sous forme de propositions :


1° La dépréciation de la puissance de l’artillerie contre un but cuirassé mobile a été constatée par l’expérience. Elle diminue sensiblement les risques que court une flotte cuirassée, couverte de fumée et défilant à grande vitesse devant les batteries de côte les plus fortement armées. Il semble permis de croire qu’en beaucoup de circonstances une flotte aux ordres d’un Nelson ou d’un Ferragut n’hésiterait pas à courir ces risques, si le but à atteindre valait l’enjeu d’un tel coup de fortune.

2° Toute escadre surprise au mouillage par une escadre sous vapeur, est une escadre détruite, l’éperon, dont l’assaillant peut seul se servir, devenant alors une arme aussi sûre pour lui que mortelle pour son adversaire.

3° Toute escadre au mouillage, — si l’accès de ce mouillage est possible, — peut être surprise la nuit et même attaquée le jour, par une flottille de thornycrofts.

4° La portée des pièces de 0m,27 étant de 11,000 mètres, celle des pièces de 0m,14 de 7,200 mètres avec un angle de pointage de 35°, toute ville, tout établissement occupant une grande étendue de terrain, et dont un navire quelconque ainsi armé peut s’approcher à une distance moindre que ces portées, peut être bombardé, incendié, sans que l’assaillant coure de risques sérieux de la part des batteries de côte qui défendent la ville.


Quelques faits peuvent servir, non à démontrer, mais à illustrer ces propositions, qui resteront douteuses jusqu’aux jours d’expériences décisives. Dans toutes les opérations de guerre auxquelles elles se rapportent, quel est, en effet, le facteur du succès ? L’audace, c’est-à-dire le mépris de la mort mis au service du patriotisme et de la science professionnelle. C’est là une force morale qui ne tombe sous le coup d’aucune appréciation a priori. Turenne pouvait bien dire la veille d’une bataille : « Tu trembles, carcasse ! tu tremblerais bien plus si tu savais où je te conduirai demain, » et le lendemain il allait où il s’était promis d’aller. Les capitaines qui se prépareront aux futures opérations des guerres maritimes trembleront sans doute la veille comme l’illustre maréchal. Iront-ils jusqu’au bout le lendemain ? Dieu seul peut le dire.

Le combat du Huascar contre le Shah et l’Amethyst anglais nous fournit la première de ces illustrations. « L’état du Huascar après le combat, dit un écrivain militaire, est un exemple de la dépréciation que subit l’artillerie à la mer, le jour de l’action. Il y a loin