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n’aurait pu se maintenir) et vint se placer sous les murs de Prague. Tout ce qu’il put faire fut d’intimider assez l’ennemi par l’intrépidité de son attitude pour qu’on ne pût le suivre de trop près. Mais il n’en fallut pas moins précipiter beaucoup ce mouvement de recul, ce qui amena la perte de quantité de bagages et de munitions, et l’arrivée de l’armée devant Prague eut lieu en désordre. La ville put se croire en péril. C’était le cas (on l’a vu), le seul, où Frédéric avait promis à Belle-Isle de le secourir. Le généreux allié trouva, au contraire, que c’était le cas de rendre public et définitif l’abandon auquel il était depuis longtemps résolu.

En réalité, la promptitude de l’événement trompait son calcul. Il avait compté sur plus de lenteur dans les mouvemens du prince Charles et plus de résistance dans l’armée française. Il n’avait donc pas encore, quand la nouvelle du désastre lui arriva, donné à Podewils l’autorisation formelle d’adhérer à la réponse de Marie-Thérèse. En apprenant la rapidité de la marche et du succès des Autrichiens, la peur le prit que, si Prague tombait entre leurs mains par une surprise analogue à celle qui leur avait enlevé cette ville six mois auparavant, ou si, simplement, Marie-Thérèse était informée de l’avantage de ses armes avant que tout entre elle et lui fût conclu et ratifié, l’indomptable princesse ne retirât le consentement qu’on lui avait arraché, et que tout fût remis en question par de nouvelles exigences. Il traça sur-le-champ d’une main précipitée ces instructions impérieuses à son ministre : « Les circonstances imprévues qui viennent d’arriver avec les troupes françaises en Bohême m’obligent de vous informer de la manière la plus positive que, d’abord que vous aurez reçu la présente, vous devez faire l’échange de vos pouvoirs avec ceux de mylord Hyndfort… Quant aux conditions, tâchez de les avoir pour moi si bien qu’il sera possible, soit du côté de la Bohême, soit, s’il n’y a rien à faire de ce côté, du côté de la Haute-Silésie. Mais, après avoir tout fait pendant une demi-journée, ma volonté expresse est que, sans me faire votre rapport, sans me demander ou attendre ma résolution là-dessus, vous devez absolument régler les points dont vous pouvez convenir avec mylord Hyndfort, les coucher par écrit, et les signer incontinent avec mylord Hyndfort en forme de préliminaires de paix. Sitôt que ces préliminaires seront signés tant de vous que de mylord Hyndfort, vous devez me les envoyer avec votre relation,… afin que je puisse les ratifier, et, la signature entre vous et Hyndfort faite, vous devez disposer Hyndfort qu’il en donne avis par un courrier exprès qui pourra passer alors par Glatz, Königgratz et Kolin au prince Charles de Lorraine, afin que celui-ci soit informé sous main que l’affaire entre moi et la reine de Hongrie est conclue… Je dors en