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quel accueil lui faire. Le malheureux Podewils, qui n’en pouvait mais, recevait lettres sur lettres pour le presser de mettre les fers au feu. « Plus j’y pense, écrivait le roi, le 31 mars, et plus je vois qu’il me faut à tout prix une prompte paix. » — Puis, quelques jours après : « Comme je suis extrêmement intrigué de voir clair dans les circonstances présentes pour régler mes mesures là-dessus, je vous prie de retourner Hyndfort de tous les côtés pour voir ce que l’on peut se permettre et jusqu’où je pourrais pousser ma bisque. N’épargnez rien en courriers pour m’en informer, et faites usage de toute votre éloquence pour lui persuader de nous faire avoir notre morceau, et cela au plus vite : quinze jours plus tôt ou plus tard font beaucoup dans la situation où je suis, et il faut que je sache à quoi m’en tenir avant que Belle-Isle arrive. » Témoin de cet état d’agitation, le secrétaire intime du roi, un nommé Eichel, écrivait aussi confidentiellement au même Podewils : « Sa Majesté royale est dans la plus grande attente pour savoir où vous en êtes, et comme Votre Excellence connaît la vivacité de notre gracieux maître et que quand une affaire est languissante et traîne (languissant tractiret oder trainiret wird), il peut adopter avec la même vivacité un plan différent, surtout quand un homme aussi insinuant que Belle-Isle va venir avec ses cajoleries et promesses, je désire aussi vivement, dans mon petit particulier, que l’affaire en question soit bientôt réglée[1]. »

Hyndfort arriva enfin à Breslau, le 17 avril, et Podewils se hâta d’entrer en conversation. Mais l’entretien n’avança guère les affaires ; l’Anglais était froid, boutonné, ironique ; chacune de ses paroles et le ton même de sa voix semblait faire entendre qu’il voyait bien qu’on voulait le jouer et qu’il n’était pas d’humeur cette fois à se laisser prendre. D’ailleurs, ses pleins pouvoirs, dit-il, étaient périmés, et il ignorait les intentions de la reine, n’ayant eu avec elle aucune relation depuis l’issue malheureuse des derniers pourparlers. Cette réserve était peu vraisemblable et on vit bien qu’il en savait plus qu’il n’en disait, à la manière décisive dont il s’exprima sur chacune des conditions de l’ultimatum proposé. Il ne fit grâce à aucune ; jamais, suivant lui, la reine, qui s’était prêtée à regret à la mutilation de la Silésie, ne consentirait à laisser entamer la Bohême. Que signifiait de plus cette satisfaction raisonnable à assurer aux alliés du roi, dont on ne déterminait ni la nature, ni l’étendue ? Où la trouver, cette satisfaction, sinon dans de nouveaux sacrifices à imposer aux possessions autrichiennes ? Qui serait chargé d’apprécier si elle était raisonnable ? Une clause si élastique ne pouvait être qu’un moyen tout préparé pour se dégager une fois encore à volonté des paroles données.

  1. Pol. Corr., t. II, p. 93, 110-117.