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son génie aurait raison, n’était rien auprès de celui qu’assurait à Marie-Thérèse la révolution opérée par deux événemens longtemps attendus et enfin réalisés, et qui altéraient à son profit toute la balance des forces en Europe. A Londres, de nouvelles élections parlementaires amenaient un changement de cabinet. Walpole était réduit à se retirer devant une majorité opposante, et le principal grief allégué contre lui était la mollesse du concours qu’il avait prêté à l’Autriche en péril, aussi bien que sa connivence plus ou moins suspecte dans la neutralité observée et le vote émis à Francfort par le roi-électeur de Hanovre. Carteret, son successeur, arrivait au pouvoir avec le mandat impérieux de faire prendre à la politique anglaise une paît plus active dans le conflit engagé sur le continent. Après avoir fait renouveler et accroître le subside accordé par le parlement à Marie-Thérèse, il s’empressait de mettre à sa disposition les douze mille hommes qu’on lui avait promis, mais qu’elle attendait encore. Il envoyait en outre à La Haye un ambassadeur extraordinaire pour solliciter des états-généraux de Hollande un effort pareil. Là, d’ailleurs, aussi bien qu’en Angleterre, le spectre de l’ambition française surexcitait les esprits en même temps que nos premiers revers donnaient le courage de le braver.

Au même moment, à l’autre extrémité de l’Europe, la cour de Turin se décidait enfin, après un an de préparatifs et d’hésitation, à sortir de son attitude énigmatique. Elle prenait parti, sinon pour les droits de Marie-Thérèse, au moins contre les prétentions d’Elisabeth Farnèse. Le concours de l’Espagne, offert avec tant d’empressement à Munich, tournait ainsi au désavantage de ceux qui l’avaient accepté sans réflexion. Car, à peine un corps d’armée espagnol, débarqué sur les côtes de Toscane dans les derniers jours de décembre, eut-il touché le sol italien que Charles-Emmanuel déclarait que, ses droits étant au moins égaux à ceux des infans, il ne pouvait tolérer un nouvel établissement de la maison de Bourbon en Italie. Par un traité rédigé avec art, il s’engagea envers l’Autriche à défendre le Milanais contre l’invasion espagnole, sauf à réserver pour l’avenir l’examen de ses propres droits et toutes les questions litigieuses. Marie-Thérèse, assurée par là d’être protégée en Italie sans coup férir, pouvait rappeler à elle toutes les troupes qu’elle aurait dû, sans cet appui, consacrer à la garde de ses provinces ultramontaines. C’était même grâce à la confiance que lui donnait une négociation déjà commencée qu’elle avait pu renforcer à temps l’armée de Khevenhüller. par des régimens venus d’Italie. Ces auxiliaires, inespérés du côté de l’ouest et du midi, remplaçaient largement pour elle ce qu’elle avait perdu à Pétersbourg.

La conséquence de ce double revirement était en effet d’étendre d’un bout de l’Europe à l’autre le champ de la lutte ! jusque-là