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quelques mois, au nom du roi de Macédoine, le gouvernement de la Susiane ; maintenant, il s’avance, avec toutes ses troupes rangées en bataille, vers la Médie. Alexandre marche lentement, car il s’attend à rencontrer Darius en chemin. On lui a dit que les Scythes et les Cadusiens se sont réunis aux Perses, que Darius veut tenter de nouveau la fortune des armes ; ce n’est pas au moment où il est exposé à livrer un combat décisif qu’un général prudent s’avisera jamais de doubler les étapes. Douze jours après avoir quitté la Parétacène, l’armée macédonienne, prête à se déployer, s’engage enfin dans les défilés qui précèdent Ispahan. Là, des avis entièrement contraires à ceux qui avaient jusqu’alors ralenti sa marche viennent brusquement changer tous les plans d’Alexandre : Darius ne se dispose pas à combattre, il se prépare à fuir. « Il va passer, dit-on, chez les Parthes, se porter, si l’ennemi le poursuit, chez les Hyrcaniens ; on lui prête même le projet de mettre entre les Macédoniens et lui le désert ; il irait chercher un dernier refuge dans la Bactriane et dans la Sogdiane. » À cette annonce soudaine, inattendue, la phalange macédonienne ploie ses rangs, et l’armée tout entière se porte à marches forcées sur Ecbatane.

Les défections reçoivent de l’approche rapide d’Alexandre une impulsion nouvelle ; les plus illustres transfuges accourent de toutes parts aux pieds du conquérant. Un fils de roi, Bisthanes, dont le père, Ochus, a régné sur les Perses, vient le premier se prosterner devant la victoire. Bisthanes rencontre Alexandre à trois journées d’Ecbatane ; il lui annonce que Darius a évacué cette ville depuis cinq jours. Le roi de Perse est parti avec 9, 000 hommes, dont 6, 000 fantassins ; il a emporté de la Médie 38 millions de francs. Les portes d’Ecbatane sont ouvertes ; la citadelle, qui eût pu arrêter le vainqueur sous ses murs pendant de longs mois, est entre des mains dont on n’a rien à craindre ; elle tombera, comme sont tombées les citadelles de Babylone, de Suse, de Persépolis, livrées à l’étranger par une impression irréfléchie de terreur ou par une foi depuis longtemps chancelante. Alexandre n’a jamais accordé au repos que le temps qu’il était impossible de lui dérober. Résolu à poursuivre Darius partout où le malheureux souverain se retirerait, il se hâte de franchir la distance qui le séparait encore d’Ecbatane.

C’était déjà beaucoup d’être venu de Persépolis à Ecbatane au mois de juin ; aborder les plaines de la Parthiène et les montagnes de l’Hyrcanie sous les premières ardeurs du soleil de juillet semblerait impraticable à une armée moderne. On peut croire qu’Alexandre eût volontiers épargné cette épreuve à ses troupes ; les nouvelles qu’il reçut ne lui en laissèrent pas la faculté. Darius fuyait, entraîné plutôt que suivi par son escorte ; si l’on voulait l’atteindre, il n’y avait pas un instant à perdre. La cavalerie des hétaires, le corps des