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forte de lignes exploitées avec perte risqueraient d’atteindre leur crédit et leurs revenus.

Dans les prévisions du système de 1859, qui a définitivement organisé le second réseau et la garantie d’intérêt, les compagnies devaient être en mesure d’augmenter constamment le nombre et l’étendue de leurs lignes. Pour les frais de construction et de premier établissement, l’on calculait que, le revenu net des chemins de fer s’accroissant de 2 1/2 à 3 pour 100 par an, le capital correspondant à ce revenu serait affecté sans inconvénient à la dépense. Pour l’exploitation, comme les pertes sur une ligne nouvelle décroissent chaque année (à moins que cette ligne n’ait été créée follement), on calculait que l’ouverture annuelle d’une moyenne raisonnable de sections ne déprimerait pas trop sensiblement l’ensemble des recettes et que, dans tous les cas, les sacrifices se répartiraient à peu près également sur la période, parce que l’amélioration graduelle du trafic sur chaque ligne ouverte permettrait de supporter les pertes prévues sur les lignes restant à ouvrir. Telle était l’économie de ce système de 1859, combiné précisément pour faciliter l’extension du réseau et pour solder les dépenses de cette extension avec les revenus capitalisés des chemins de fer. Pendant dix ans, le résultat s’est trouvé d’accord avec les prévisions. Les compagnies ont dépensé chaque année de 300 à 400 millions, et l’on peut dire que, pendant cette période, les chemins de fer se sont en quelque sorte payés eux-mêmes ; car peu importe l’augmentation de la charge en capital, s’il y a pour payer l’intérêt et pour amortir le capital une augmentation correspondante de revenu. Mais le succès permanent de la combinaison exige deux conditions essentielles : premièrement, les lignes nouvelles à construire doivent être réellement utiles, et assurées de recevoir, sans trop de délais, un trafic suffisant pour alimenter le coûteux outillage d’un chemin de fer ; en second lieu, les travaux neufs doivent être entrepris successivement, au fur et à mesure de la formation du capital qui leur est destiné.

Le plan de M. de Freycinet est trop vaste pour entrer dans cette combinaison. Le cadre de 1859 éclate, devenu trop étroit. Il ne peut contenir cette masse de travaux et cette accumulation de dépenses. Si l’on veut aboutir, il faut ou adopter un autre système, ou rendre praticable l’exécution par les compagnies en appropriant à une situation non prévue les clauses des anciens contrats, et modifier le plan, sinon quant au classement des lignes, du moins quant aux délais d’exécution.

Du moment que la construction totale et l’exploitation par l’état ne sont plus en cause, il n’y a de sérieux que la construction et l’exploitation par les compagnies existantes, y compris la septième compagnie qui succédera à la compagnie provisoire des chemins de fer