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son salut seraient en jeu. Exagérer ainsi la dette publique au temps où nous sommes, ce serait, que l’on y réfléchisse bien, commettre une faute, peut-être mortelle, contre le patriotisme.

Combien nous sommes loin des calculs optimistes auxquels se livrait M. Bartholoni, qui a laissé dans l’industrie des chemins de fer et dans la science pratique des finances un souvenir si respecté ! M. Bartholoni supputait qu’avec le régime actuel l’état, nu-propriétaire des voies ferrées, recevrait, à la fin des concessions, c’est-à-dire dans soixante-dix ans, toutes les lignes construites, ayant amorti actions et obligations, n’étant plus grevées d’aucune charge, achalandées et en plein produit ; il rappelait que, d’après le mécanisme des cahiers des charges et des statuts, l’état disposerait presque gratuitement de cette immense fortune créée par le travail et par les sacrifices des générations antérieures, et il avait la confiance que la valeur des chemins de fer suffirait pour rembourser alors toute la dette publique. Ce serait trop beau. Les générations intermédiaires n’auront garde de conserver intact pour nos arrière-neveux cet instrument libératoire et elles voudront liquider elles-mêmes à leur profit une part du patrimoine des chemins de fer, soit en appliquant un nouveau capital à l’extension du(réseau, soit en réduisant les tarifs de transport, au fur et à mesure de l’amortissement du capital dépensé. Quoi qu’il en sort, par suite des combinaisons qui ont été adoptées pour le régime des concessions et grâce aux procédés financiers qui ont prévalu dans la constitution des compagnies, l’état s’est réservé, outre une participation éventuelle aux bénéfices, une fortune en capital de plusieurs milliards, et Voici qu’on lui propose, avec cet expédient d’un Tachât inutile, de la dénaturer et de la gaspiller !

Il faut maintenant démontrer que ce rachat est inutile, c’est-à-dire que la mesure ne produira pas les résultats que ses partisans ont en vue. A côté des doctrinaires qui prétendent simplement consacrer le droit antérieur et supérieur de l’état, il y a les utilitaires dont la principale visée consiste à rétablir la justice et l’égalité dans les prix des transports. Ceux-ci en veulent moins aux compagnies qu’à leurs tarife. Ils laisseraient vivre les compagnies si, acceptant une modification de leurs cahiers des charges, elles restituaient à l’état l’autorité pleine et entière sur les tarife, et, de fait, c’est en grande partie au refus opposé par la compagnie d’Orléans de souscrire à cette condition que peut être attribué le rejet des traités présentés à la chambre des députés en 1877 et 1878. Les compagnies, dit-on, ne réduisent pas suffisamment leurs tarifs ; elles procèdent sans règle et sans méthode, favorisant telle région aux dépens de telle autre, faussant les distances, déplaçant les marchés, rendant illusoires les taxes douanières, sacrifiant même, dans certains cas,