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l’épargne proprement dite que des pertes momentanées, dont elle va d’ailleurs lui offrir la réparation immédiate par la modicité des prix des valeurs mobilières.

Les banquiers reporteurs, qui ont fini par avoir raison, avec la toute-puissance du prix de l’argent, des audaces parfois arrogantes de la spéculation, ne croyaient pas cependant porter le coup de mort à leur adversaire. Ils prévoyaient et préparaient un mouvement brusque et sérieux en arrière, mais non un effondrement, et ils ont pu craindre de se voir entraîner avec leur victime dans l’abîme qu’ils avaient eux-mêmes creusé sous ses pas. De là cette ardeur extrême à sauver la place du krach menaçant, de là leur empressement à se prêter à toute mesure ayant pour objet d’éviter l’écroulement du parquet et de la coulisse, et de prévenir la fixation de cours de compensation arbitraires, fixation qui eût été l’arrêt de mort du marché de Paris. Les banquiers étaient perdus eux-mêmes ou du moins fort compromis si la ruine totale de leurs contre-parties les eût forcés de reprendre pour leur compte toute la masse de papiers flottans qu’ils détenaient en report. Aussi ont-ils usé avec intelligence de tous les tempéramens que comportait la situation. On est venu en aide sous toutes les formes aux acheteurs, dans la mesure nécessaire pour les maintenir à flot et les mettre à même de conserver leur solvabilité. Les créanciers ont été pleins de sollicitude pour leurs débiteurs, seul moyen de sauver de la dette ce qui pouvait en être sauvé.

La liquidation de fin janvier s’est donc passée beaucoup plus doucement qu’on ne l’eût pu craindre dans les derniers jours du mois. Grâce aux 80 millions prêtés au parquet et aux 20 millions prêtés à la coulisse, les intermédiaires sont à peu près tous restés debout et ont fait face à leurs engagemens.

A Paris, les secours sont arrivés à temps; à Lyon, le sauvetage n’aura pu s’opérer qu’après coup. On a ici empêché les gens de se noyer; il faut là-bas les repêcher. Des combinaisons sont à l’étude, qui, si elles se réalisaient, remettraient sur pied le parquet lyonnais, à l’exception de quelques-uns des agens trop compromis. Il s’agit de la création de bons garantis par un prélèvement de 30 pour 100 sur les courtages. On ne sait encore si des propositions de ce genre seront agréées par le ministre des finances.

Quant aux suites de la liquidation, nous les voyons se dérouler logiquement depuis le 3 janvier; il faut que toutes les positions qui ont été reportées se dégagent peu à peu, et les intermédiaires se consacrent exclusivement à ce travail. Ils savent que les difficultés auxquelles ils ont échappé en janvier vont se représenter en février, amoindries, il est vrai, mais que la place aura moins de force pour les surmonter qu’elle n’en avait il y a quinze jours. La place est malade; ses médecins l’ont donc mise au régime de la diète. Ils ont ordonné la