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bien d’autres sanctuaires encore dont les richesses artistiques nous sont attestées par le témoignage de l’antiquité. Tandis qu’en Grèce le nombre des maîtres commençait à diminuer peu à peu, il allait toujours croissant dans les îles de l’Archipel ou en Asie. Scopas était de Paros; Apollonius, de Tralles; comme les peintres Apelle et Parrhasius, Agasias, l’auteur de notre célèbre Lutteur, était Éphésien; Rhodes comptait aussi bien des sculpteurs, et le nom d’un Agèsandros, originaire d’Antiochus du Méandre, est inscrit sur un socle de marbre trouvé près de la Vénus de Milo. Plus tard enfin, quand la Grèce, épuisée par les continuelles discordes qui devaient consommer sa ruine, n’offrit plus à l’art une sécurité suffisante, celui-ci trouva sur la côte opposée un sol préparé pour le recevoir, et l’Asie devint le centre d’une production très active.

Dans cette histoire de l’art asiatique, qui, nous l’espérons du moins, nous ménage encore plus d’une surprise, l’école de Pergame tiendra désormais une place capitale, grâce à l’œuvre importante qui reste son plus beau titre de gloire. En même temps qu’elle fournit une si ample matière à notre admiration, une telle œuvre vient, à d’autres égards encore, élargir et compléter l’idée que nous nous faisions de l’art grec. Autrefois, en effet, on avait coutume de confiner cet art dans une immobilité solennelle. On ne lui permettait que la seule représentation de gestes nobles, de types impassibles et d’attitudes tranquilles qu’aucune émotion ne devait troubler. Il semblait que tout ce qui aurait pu le faire sortir de cette majesté olympienne lui fût interdit. Sans doute, aujourd’hui encore, l’art de Phidias, — car c’est toujours à lui qu’il convient de se rapporter comme au type même de la perfection, — reste le plus grand : dans sa sérénité et sa mesure, il a quelque chose de supérieur et de divin. Parce qu’il est plus contenu, plus maître de lui, il appelle, en quelque sorte, le même recueillement chez le spectateur, qu’il élève avec lui jusqu’au sentiment de cette harmonie suprême où toutes les contradictions s’apaisent pour laisser dominer l’ordre immuable. Dans cette réserve voulue, les nuances sont plus délicates, et l’art plus idéal parle plus éloquemment à qui sait entendre sa voix discrète. Mais quand Phidias eut atteint le faîte, n’y avait-il donc d’autre ressource pour ceux qui viendraient après lui que de répéter en les affaiblissant, les choses qu’il avait dites si excellemment? Mieux connu, l’art grec nous montre de quelle souplesse et de quelle diversité d’aptitudes il a été doué. Déjà, à côté des merveilles qu’au temps de Périclès il avait produites et qui demeurent sa plus parfaite expression, des aspects nouveaux nous en avaient été récemment révélés. Peut-être même la vogue s’est-elle attachée un peu plus que de raison à ces productions charmantes dans lesquelles