Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/905

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. E. Curtius, devait être plus heureux. Rencontrant dans son pays des dispositions moins parcimonieuses, il allait mener à bonne fin l’entreprise devant laquelle nous avions reculé. Bien que, d’après les conventions établies avec la Grèce, le gouvernement allemand le pût prétendre à la possession d’aucune des trouvailles qui seraient réalisées, il consentit à mettre des sommes considérables à la disposition de M. Curtius, qui, après avoir fait décider l’entreprise, est resté jusqu’au bout chargé de sa direction et en a consigné les principaux résultats dans un ouvrage édité avec un grand luxe[1], Les fouilles pratiquées de 1875 à 1880 et qui absorbèrent plus d’un million, ont amené des découvertes nombreuses en statues, bas-reliefs, inscriptions et objets de toute espèce. Les moulages de tout ce qui a été ainsi recueilli sont réunis aujourd’hui à Berlin et installés dans une construction provisoire élevée à proximité du musée, sur l’emplacement de ce Campo-Santo, édifice d’architecture bizarre, qui, destiné d’abord à la sépulture de la famille royale, est resté depuis longtemps interrompu et ne sera probablement jamais terminé.

Un plan suspendu à la muraille du musée, en même temps qu’il donne l’état actuel du territoire d’Olympie, présente une restitution de l’état ancien de cette ville et permet d’apprécier l’étendue des fouilles et la quantité vraiment prodigieuse de monumens qui se trouvaient accumulés en cet endroit. C’est comme un résumé de l’histoire de la Grèce, de son art, de ses mœurs, de ses institutions et de ses croyances qu’on peut ainsi suivre pas à pas sur ce sol d’Olympie où, tous les quatre ans, faisant pour quelques jours trêve à leurs discordes, les divers peuples de la Grèce se donnaient rendez-vous. L’unité hellénique cessait là d’être un vain mot et les jeux olympiques étaient bien véritablement une fête nationale. On sait l’intérêt qu’excitaient ces jeux, les honneurs qui attendaient les vainqueurs à leur retour dans leur ville natale où leur triomphe était célébré par les poètes, tandis que les plus habiles artistes étaient chargés de sculpter leur statue. Chaque cité avait à cœur de figurer avec éclat à Olympie, et non-seulement des villes grecques comme Sicyone et Mégare, mais des colonies telles que Géla et Métaponte y faisaient élever, dans le voisinage des temples, des statues, des monumens commémoratifs et de petites constructions où était renfermé leur trésor sacré, c’est-à-dire tous les menus objets servant au culte religieux[2].

Dans de telles conditions, on le comprend, Olympie était devenue un grand musée cosmopolite où les écoles et les époques les plus

  1. Die Ausgrabungen zu Olympia, par E. Curtius. Wasmuth ; Berlin.
  2. On a retrouvé des inscriptions qui donnent l’inventaire exact de quelques-uns de ces trésors.