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volonté le prédisposent aux études historiques. Aucune contrainte ne lui est imposée. Il demande à l’enseignement des lettres et des sciences d’achever la culture de son esprit, et en même temps il apprend à connaître l’immensité du domaine historique. Les professeurs et les livres lui donnent les notions actuellement acquises sur les périodes principales de l’histoire. Sa jeune intelligence, déjà sérieuse et réfléchie, se pénètre d’idées générales dont il vérifiera lui-même un jour la valeur, mais qui seront ses guides provisoires. S’il lui plaît de s’arrêter dans quelque recoin obscur, elles y entreront avec lui pour lui rappeler que l’histoire, c’est toujours et partout l’étude de l’être humain, placé à tel moment de la durée, à tel endroit de l’espace. Cette partie de son éducation terminée, l’étudiant apprend ce qu’il faut savoir pour arriver par soi-même à la connaissance de la vérité. Il manie tous les instrumens, le microscope dont je parlais; mais sans danger, car l’objet considéré par lui a beau être très petit, il est illuminé par tous les rayons de la lumière céleste qui pénètrent le verre grossissant. Supposez maintenant que cet étudiant devenu un homme soit libre encore dans la vie : sa curiosité se porte sur les points discernés et choisis par lui ; il apprend ce qu’il veut savoir, et il n’est jamais tenu à dire que ce qu’il sait. Voilà un historien privilégié. Il viendra un jour à la faculté des étudians de cette sorte ; il en vient même déjà ; mais le groupe principal de nos élèves se composera toujours de candidats aux grades et aux fonctions universitaires. Or les professeurs de la Sorbonne, à qui l’état donne des boursiers de licence et d’agrégation, ont le devoir de former de bons maîtres pour les lycées et les collèges, et, dans ces maîtres, ils veulent en même temps préparer l’historien. L’éducation professionnelle ne nuira-t-elle pas à l’instruction scientifique ou l’instruction scientifique à l’éducation professionnelle? Peut-on préparer à la fois à l’enseignement, qui est une affirmation, et à la pratique de la méthode historique, qui est une recherche? Ne courton pas le risque que ces étudians deviennent des savans que leurs élèves ne comprendront pas, ou bien des professeurs qui, accoutumés à jurer in verba magistri, n’auront point l’activité des intelligences affranchies par l’usage personnel de la liberté? Oui, sans doute, et, pour éviter l’un et l’autre terme de l’alternative, pour concilier les deux propositions de l’antinomie, il faut prendre ses précautions. On les prendra. Il suffit de préparer les futurs professeurs à la licence et à l’agrégation, en ayant toujours devant les yeux l’étudiant idéal dont je parlais tout à l’heure.

Nos étudians ne se présenteront à l’examen de licence qu’après deux années d’études faites à la faculté. Les professeurs d’histoire