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ballottant à chaque pas, produit un assez singulier effet. D’autres uniformes sont assez élégans, entre autres celui du régiment de milice qui nous a reçus la veille, gris avec des buffleteries blanches. La cantinière est toujours remplacée par un nègre qui porte gravement un bidon. Bien que ces régimens ne défilent pas avec la solidité de troupes régulières, l’ensemble de leur tenue est cependant, de l’avis de nos officiers, infiniment supérieur à celle de notre ancienne garde nationale. On sent qu’il y aurait là, le cas échéant, une force sérieuse, et au point de vue du maintien de l’ordre intérieur, on en a bien eu la preuve, il y a quelques années, à New-York, lorsqu’un jour d’émeute un de ces régimens appelé au secours de la police, tira sans hésitation sur la foule et coucha par terre bon nombre d’individus. C’est avec les mêmes élémens dont se compose aujourd’hui cette milice que le Nord a formé il y a quelques années ces vigoureuses armées qui, après quelques défaillances, ont fini par triompher de la chevalerie du Sud. On sent qu’il ne faudrait pas grand effort pour faire de ces miliciens des fantassins sérieux. Je n’en dirai pas autant des régimens d’artillerie, dont les chevaux paraissent fort étonnés d’avoir à traîner des canons. Pour ces armes spéciales il faut une préparation plus longue, et leur défilé dépare un peu la fin de la revue.

Le soir, exhibition des pompes à feu. C’est la première exhibition de ce genre à laquelle nous assistons en Amérique, ce n’est pas la dernière. Les municipalités américaines sont en effet justement fières de l’organisation qu’elles ont adoptée pour combattre les incendies, et je dois dire en effet qu’il n’y a pas aux États-Unis une ville de quatrième ordre dont l’organisation ne soit infiniment supérieure à celle de la ville de Paris. On nous conduit d’abord dans un des nombreux postes de pompiers qui sont disséminés dans la ville au nombre de quarante, si j’ai bonne mémoire. Nous admirons d’abord au rez-de-chaussée une magnifique pompe à vapeur, dont les cuivres sont polis comme un miroir et qui est toujours maintenue en pression. A droite et à gauche de la pompe, sont deux stalles où deux vigoureux chevaux sont attachés chacun par un licol à fermeture métallique. Dans un coin, l’appareil électrique dont la sonnerie avertit le commandant du poste qu’un incendie vient d’éclater et qu’il ait à faire partir sa pompe. Au premier est le dortoir des pompiers. Ceux qui sont de service sont couchés à demi habillés dans d’excellens petits lits. Leurs bottes et leur pantalon sont méthodiquement disposés auprès de chaque couchette. On fait retentir le timbre électrique. En un clin d’œil, six hommes se lèvent, chaussent leurs bottes, enfilent leur pantalon en descendant l’escalier et se précipitent au rez-de-chaussée. Les chevaux, dont le courant