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plus distingués, M. Bonghi, qui a été rapporteur de la loi des garanties et ministre de l’instruction publique, écrivait dernièrement: « Léon XIII ressemble peu à son prédécesseur. Son élection n’avait point été agréable aux zelanti du sacré-collège, il n’était pas le pontife de leur cœur. On le considérait comme l’un des cardinaux les plus aptes à discerner ce qu’il était nécessaire d’accepter dans des temps nouveaux, et on s’imaginait qu’il lui en coûterait peu de conclure un accord au moins secret avec le gouvernement italien. Ces espérances ont été trompées. Léon XIII a différé de Pie IX en ceci seulement qu’à une politique ecclésiastique de colère et de passion il a substitué une politique toute de calcul, à une action inconsidérée et violente une conduite prudente, ferme et tranquille. Il en est résulté que le chancelier de l’empire germanique a pu sans trop de peine se rapprocher de Léon XIII et que Léon XIII a tenté de se raccommoder d’abord avec l’Allemagne, dans le dessein de laisser la papauté en guerre avec la seule Italie[1]. »

Le pape Léon XIII est si loin de se résigner à son sort qu’il n’a pas craint de déclarer publiquement que « sa situation était intolérable, » et cette déclaration aussi solennelle qu’imprévue a eu du retentissement dans toute l’Europe. En même temps paraissaient plusieurs brochures, émanées du Vatican, dont les auteurs, paraphrasant la parole du pontife, affirmaient que la loi des garanties n’était pas une garantie suffisante ni un dédommagement sérieux, que la question romaine, quoi qu’on en dît, était demeurée ouverte, et qu’il importait à l’Italie autant qu’au pape de la régler, toute affaire cessante. Rien ne prouve que Léon XIII ait commandé ou inspiré ces brochures, ni qu’il en ait fait revoir le manuscrit ou les épreuves, mais on s’accorde à croire qu’elles n’ont pas vu le jour sans son aveu, que ceux qui les ont écrites, bibliothécaires ou prélats, étaient certains de n’être pas désapprouvés.

Prélats et bibliothécaires, tous raisonnent à peu près de la même façon, ils considèrent la situation comme un provisoire qui ne peut durer, et de là ils concluent qu’une réconciliation entre la papauté et le jeune royaume n’est possible que si l’usurpateur se décide à rendre gorge. A la vérité, on lui fait des concessions, on ne lui réclame pas tout ce qu’il a pris, mais on en revendique au moins une partie, et on consent à lui donner quittance pour le reste. Le plus intransigeant de ces transigeans propose une organisation fédérative de l’unité italienne, sur le patron de l’empire germanique. Un autre demande qu’on rétrocède au Saint-Père la cité léonine, avec la rive droite du Tibre, jusqu’à Civita Vecchia et la mer, combinaison fort en faveur,

  1. Leone XIII e il Governo italiano. Livraison du 1er janvier de la Nuova Antologia.