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embarrassé ; il m’envoie demander à la princesse si cet ultimatum est bien son dernier mot sur ce point capital. La réponse a été très explicite.

— Dites au général que je ne changerai pas un iota à cette résolution suprême. Je veux que l’on me garantisse ma liberté; j’ai besoin de savoir sur quoi et sur qui compter. Il faut que la majorité du ministère s’engage formellement à me laisser partir; ce ne sera qu’à ce prix que je consentirai à répondre aux questions ordinaires et extraordinaires dont on me menace. Priez le général de faire transmettre ma demande par le télégraphe. Je tiens à savoir promptement à quoi m’en tenir sur les projets futurs de ces messieurs.


Mardi, 7 mai.

Aujourd’hui encore, beaucoup d’affaires, et des plus scabreuses. Procédons par ordre, afin de ne rien oublier. Quatre ou cinq fois au moins, dans la matinée, je suis allé du général à la princesse, de la princesse au général, porteur de paroles, de notes écrites, de réclamations, de corrections ou de rectifications, véritable courrier, secrétaire d’ambassade; l’enfantement de ces interminables protocoles m’a causé un grand travail de tête et de jambes,

Le gouverneur, qui connaît par expérience les variations de sa prisonnière, ne s’est pas trop hâté d’expédier la dépêche d’hier soir, et il a bien fait, car nous avons employé la plus grande partie de cette journée à en discuter le sens et la portée. M. Gintrac, qui est arrivé de bonne heure, nous a été d’un grand secours dans cette circonstance ; il a contribué de la manière la plus active à inspirer à la princesse des résolutions en rapport avec ses véritables intérêts.

Ce matin, de très bonne heure, le gouverneur m’avait dicté une pièce conçue en ces termes :

« M. le général Bugeaud ayant reçu deux fois du ministre la déclaration qu’il n’était pas prudent de prendre l’engagement positif de mettre la princesse en liberté après ses couches, à cause des événemens extraordinaires qui pourraient survenir d’ici à deux mois, ne peut se décider à toucher encore cette question qu’aux conditions suivantes :

« 1° Mme la duchesse de Berry s’engagera pax écrit à prévenir lors de l’apparition des premières douleurs;

« 2° Elle consentira à ce que les autorités déléguées pour la constatation entrent dans son appartement pour le visiter et reconnaître l’identité de son altesse royale ;

« 3° Elle déclarera également par écrit que l’enfant qui vient de naître lui appartient.