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abominable prison, je résisterai à ces hommes qui ne savent rien respecter.

Dans la journée, j’ai revu la princesse, qui n’a pas quitté son lit. Je l’ai trouvée entourée de journaux, de cartes, de papiers de toute espèce: elle lit, écrit, prend des notes, fait des extraits, jase tout en travaillant, rejase avec Mme Hansler et déploie une activité remarquable. Sa faible vue a besoin du secours d’un lorgnon, ou même de lunettes ; ses yeux sont gros et saillans, et le gauche est affecté d’un strabisme divergent. Madame est à la fois myope et strabique, ses paupières sont presque toujours injectées et malades, et souvent j’ai dû lui prescrire quelques remèdes capables d’adoucir cette infirmité.

Madame écrit beaucoup. Elle a la singulière habitude de tacher d’encre ses doigts et ses mains, puis ses manches et ses robes, de sorte qu’il y a en permanence, sur le bureau, un flacon de sel d’oseille destiné à faire disparaître ces macules perpétuelles. En outre, la princesse dessine souvent à la plume ; elle préfère la plume au crayon, parce que les ligues sont plus visibles ; mais, pour jouir de ce bénéfice, elle a besoin de beaucoup d’encre, et de là un gribouillage général envahissant à la fois le papier, la camisole, les draps et même le visage. Mme Hansler est devenue fort experte dans l’art d’effacer ces traces noires, et déjà, plusieurs fois, j’ai dû renouveler la provision d’oxalate de potasse.

………………


À l’issue du dîner, un planton du pavillon a remis au général un pli venant de Mme la duchesse de Berry. M. Bugeaud a bien voulu me donner communication de cette dépêche, qui contient une pièce assez importante. La princesse déclare qu’elle est disposée à se prêter aux diverses parties du programme de consultation si cinq ministres, au moins, veulent signer une promesse de la mettre en liberté aussitôt après ses couches. Elle s’engage en outre adonner avis des premiers indices d’un accouchement prochain, et dans le cas où l’enfantement aurait lieu d’une manière subite, de permettre l’entrée de sa chambre aux témoins désignés. Enfin, elle promet de répondre affirmativement aux deux questions suivantes :

1o Êtes-vous madame la duchesse de Berry ?

2o Cet enfant est-il né de vous ?

Cet écrit, par la princesse, porte que, dans tous les cas, la présence de M. Dubois ne sera pas exigée. Ce post-scriptum, qui est de la main de la royale malade, indique un refus absolu de recevoir le vénérable maître.

M. le gouverneur, qui sait parfaitement que le ministre n’est pas disposé à prendre un engagement avec la captive, se trouve fort