Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/670

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

n’avoir suivi à son égard que les seules inspirations de mon intérêt, vous pourriez lui rappeler que des personnes qui possèdent sa confiance lui ont dit, de ma part, quels dangers elle courait en restant dans la Vendée et combien il lui importait de ne pas s’exposer à être prise en flagrant délit de guerre civile. Je l’ai fait prévenir, à diverses reprises, des périls de sa situation; je l’ai avertie de la possibilité d’une arrestation et des fâcheuses conséquences qui pouvaient en résulter pour elle. Elle ne doit pas avoir oublié les démarches faites dans ce but à la sollicitation de la reine, et certes il ne lui est rien arrivé qui n’ait été prévu[1].

Par quelle fatalité s’est-elle obstinée à rester en France lorsqu’il lui était si facile de partir et de déjouer les efforts de la police qui la poursuivait? Les événemens ont trop prouvé qu’elle était retenue à Nantes ou aux environs de cette ville par un motif tout-puissant sur son esprit, et c’est là un malheur irréparable. Mais ici encore ai-je pu atténuer en rien les inconvéniens de cette particularité mystérieuse? L’arrestation faite sans que j’en sois prévenu, la captivité décidée en conseil et la citadelle de Blaye choisie, nonobstant tout ce que j’ai pu dire ou faire, le reste n’a été qu’une conséquence rigoureuse, inévitable des premiers fait accomplis. Le ministère n’a voulu perdre aucun des avantages que lui accordait la déclaration du 22 février, et une pièce de cette importance a été nécessairement déposée aux archives de la chambre des pairs. Ai-je pu l’empêcher? Ma volonté suffisait-elle pour effacer un pareil écrit, pour empêcher sa publication, dès lors qu’il s’agissait d’un changement aussi grave dans la position de la mère du duc de Bordeaux? Des faits de ce genre ont une telle valeur q.ie leur insertion au Moniteur est indispensable ; c’est de l’histoire, c’est un acte civil qui appartient à la société tout entière, et dans le temps où nous vivons, ces sortes de choses ne peuvent rester secrètes.

Certes, nous avons été profondément affligés de voir divulguer un mystère qui compromettait si gravement notre nièce. Les intérêts politiques, si impérieux qu’on les suppose, n’effacent pas en nous tout sentiment humain, et il y aurait une criante injustice à accuser la reine d’oublier ses devoirs de famille. Mais le gouvernement est là qui ne ressent aucune de ces émotions intimes qualifiées de vaines faiblesses. Les hommes qui le composent ont tous individuellement de la pitié, de l’indulgence pour la fragilité humaine, mais réunis en conseil, délibérant sur les affaires publiques,

  1. Aujourd’hui, 8 avril 1851, M. le duc Pasquier, ancien chancelier de France et président de la chambre des pairs, m’a dit que lui-même, d’après les ordres du roi Louis-Philippe, avait fait écrire à Mme la duchesse de Berry pour l’avertir de la possibilité d’une arrestation prochaine et pour l’engager à quitter la France le plus tôt possible. — P. M.