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Le déjeuner terminé, le général nous a fait part de tous les rapports ayant trait à la santé de Madame, et, après un assez long entretien sur ce sujet, nous nous sommes dirigés, M. Gintrac et moi, vers le pavillon de la princesse... Nous avons été annoncés, mais M. Gintrac est entré seul dans l’appartement de son altesse royale. Après quelques minutes d’attente, mon confrère est revenu vers moi et il m’a fait entrer dans la chambre à coucher de Mme la duchesse de Berry.

La royale malade était au lit, très simplement vêtue; je me suis approché d’elle en la saluant respectueusement. M. Gintrac m’a présenté officiellement en disant mon nom et en rappelant quelques modestes titres dont le cher confrère avait eu connaissance par d’autres que par moi, assurément, ce qui m’a fait penser plus tard qu’on lui avait fourni des renseignemens sur mon compte.

Voici, autant que je puis me les rappeler, les propres paroles de la princesse :

— Monsieur Ménière, je suis bien aise de vous voir. On m’a parlé de vous d’une façon avantageuse; vous avez en M. Gintrac un bon répondant. Vous êtes élève de Dupuytren, de Récamier, deux hommes que j’aime et que j’estime; j’aurai donc volontiers recours à vos soins si cela devient nécessaire. La faculté de Paris est la première de l’Europe; me voilà très rassurée contre les maladies. Mais il y en a que vous ne guérissez pas, messieurs : l’ennui, le chagrin, la prison ne sont point de votre ressort, et toute votre science ne vaut pas la liberté.

— Espérons que Madame ne restera pas longtemps ici, dit M. Gintrac et qu’elle pourra bientôt revoir son pays, qui conviendrait mieux à sa santé que les bords de la Gironde.

— Je l’espère aussi, mais je crains bien que cette liberté si désirée ne me soit pas rendue promptement. Dites-moi, monsieur Ménière, avez-vous vu le choléra de Paris? Avez-vous soigné des cholériques? En avez-vous guéri?

J’ai répondu que j’avais assisté à tout ce qui avait été fait à l’Hôtel-Dieu au début de l’épidémie; que plus tard j’avais été chargé d’un service médical à l’hôpital de la Réserve, que j’avais soigné là et ailleurs un grand nombre de cholériques et que j’avais eu le bonheur d’en arracher quelques-uns à la mort...

Madame m’a demandé des détails que j’ai abrégés autant que possible. La conversation a pris dès son début une tournure aisée, et, après quelques causeries sans importance, j’ai cru devoir me retirer, afin de laisser M. Gintrac seul avec sa malade.

Le tête-à-tête n’a pas duré plus d’un quart d’heure; bientôt nous nous sommes trouvés réunis dans le cabinet du général. Là, il a été question de la santé de la princesse. M. Gintrac a des inquiétudes