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de Flandrin courront-ils les vingt mairies de Paris, dont les salles de mariage seront décorées de Panathénées civiles? En eussent-ils l’envie, qu’ils y renonceraient dès leur première visite, grâce aux difficultés de toute sorte qu’ils rencontreraient et à l’urbanité bien connue des employés de l’administration.

Le programme de réorganisation conçu par M. le ministre des arts n’est rien moins qu’un programme de désorganisation. Il supprime de fait l’enseignement des beaux-arts en fermant les ateliers pratiques de l’École. On s’appuie sur ses idées pour demander la suppression de l’Ecole de Rome. Il fausse le goût public par les récompenses qu’il décerne et par les acquisitions qu’il fait. — Aussi bien, le Salon annuel est désormais libre. Les artistes en nomment les jurés, en font les dépenses, en touchent les recettes, et s’y enrichissent. Les ateliers de l’École fermés, les élèves trouveront dans des ateliers libres l’enseignement que l’état leur refuse. L’École de Rome elle-même supprimée et les commandes et les acquisitions réservées aux adeptes de l’art nouveau, le culte de l’idéal ne périra pas pour cela. Les artistes, après tout, n’ont pas besoin qu’on les garde en nourrice jusqu’à trente ans, ni qu’on leur donne des encouragemens. Ils peuvent fort bien se passer que le gouvernement s’occupe d’eux. Mais que restera-t-il alors à l’administration des beaux-arts désintéressée de l’enseignement et étrangère aux expositions? La conservation des musées, les acquisitions de Distribution des drapeaux, de Prise de la Bastille, de scènes naturalistes peintes par des impressionnistes, les commandes de portraits officiels et de peintures décoratives pour les mairies et les sous-préfectures, puisque désormais l’art religieux est proscrit. À cette tâche, il semble qu’une simple division du ministère de l’instruction publique suffit. Il n’était pas besoin de créer un ministère dont l’œuvre pourtant eût pu être féconde.

Les idées de M. le ministre des arts sont la condamnation du ministère des arts. Le ministère des arts est la condamnation des idées du ministre. Ainsi le nouveau ministre est enfermé dans ce dilemme : ou abandonner ses idées ou proposer à M. le président du conseil la suppression du ministère des arts.


HENRY HOUSSAYE.


Depuis que ce travail est imprimé, le cabinet du 14 novembre est tombé. Peut-être la retraite du ministre des arts aura-t-elle pour conséquence la suppression même du ministère des arts? Peut-être aussi cette création du ministère du 14 novembre lui survivra-t-elle? Dans tous les cas, celui qui succédera, comme ministre, comme sous-secrétaire d’état ou comme simple directeur à M. Antonin Proust aura à se prononcer sur les réformes projetées par son prédécesseur. Il aura, puisque la bataille a été engagée, à prendre parti pour la tradition ou pour les idées nouvelles. Ainsi, les questions que nous avons traitées restent à l’ordre du jour, et nos conclusions demeurent ce qu’elles étaient avant l’événement. — H. H.