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une durée de quatorze ans ; l’autre secrète, consistant dans les quatre dispositions suivantes :

Le roi de Prusse consentait à promettre sa voix à l’électeur de Bavière et à renoncer à ses prétentions sur les duchés rhénans.

Le roi de France s’engageait à lui garantir la possession de la Basse-Silésie et à envoyer en Allemagne, dans un délai de deux mois, une armée de quarante mille hommes, et, de plus, à provoquer la rupture immédiate de la Suède et de la Russie.

Ces derniers points (dont l’un était d’une exécution difficile) étaient le profit net que Frédéric tirait de ses tergiversations intéressées. Le tout devait rester secret jusqu’à ce que les préparatifs de la France et de la Bavière fussent assez avancés pour que l’action pût commencer[1].

Une fois le parti pris, on aurait dit, à l’ardeur enthousiaste qui semblait s’emparer de Frédéric, qu’il n’avait jamais cessé de le vouloir et que tous ses vœux étaient comblés.

« Monsieur mon cousin, écrivait-il au cardinal, je viens de signer l’alliance avec le roi votre maître : je vous réponds que jamais vous n’aurez de plainte à me faire ni lieu de vous repentir de cette alliance. Je vous dispute à présent d’être meilleur Français que je le suis. » Et à Belle-Isle il ajoutait dans une effusion affectueuse qui ne pouvait se contenir : « C’est sur la foi de vos promesses et sur les choses que vous avez eu ordre de me dire au nom du roi votre maître, et sur l’estime infinie que je fais de votre habileté dans le métier de la guerre, que je viens de signer l’alliance dans laquelle vous m’avez invité : me voilà devenu meilleur Français que le maréchal de Belle-Isle et aussi fidèle à la France qu’aucun de ses alliés l’a jamais été... Je me réjouis d’avance d’admirer les manœuvres que vous ferez et des opérations qui, devenant des leçons pour tout homme de guerre, me serviront de secours et d’appui. Votre nom m’engage autant que les forces du roi votre maître à m’allier avec un prince qui ne peut être que bien secondé par vos services. Bavière aura ma voix : comptez en tout sur la Prusse comme sur la France; qu’on ne les distingue plus... Adieu, cher ami, que je brûle d’impatience de voir victorieux devant les portes de Vienne et d’embrasser à la tête de ses troupes comme je l’ai embrassé à la tête des

  1. Pol. Corr., t. I, p. 246 et suiv. et 261 ; — Droysea, t. I, p. 272.
    Le texte du traité, qui n’a jamais été publié, se trouve dans la Correspondance de Valori Le chiffre de quarante mille hommes n’est pas expressément mentionné. Il est dit simplement que le roi de France fournira à l’électeur tous les moyens nécessaires pour le mettre en état d’agir soigneusement, et d’assurer son pays contre toute attaque. C’est probablement dans la conversation de Frédéric et de l’ambassade que le chiffre exact aura été déterminé.