Page:Revue des Deux Mondes - 1882 - tome 49.djvu/530

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

guerre sur ce pied-là. Puis des points du traité de partage qui paraissaient réglés étaient subitement remis en question avec une vivacité impérieuse. La ville forte de Glatz, par exemple, située sur la frontière de Silésie et de la Bohème, d’abord revendiquée par la Prusse, avait été, après quelques discussions, cédée de bonne grâce à l’électeur, qui se confondait encore dans toutes ses lettres en remercîmens. Du soir au matin, il se trouva de nouveau que la possession de Glatz était indispensable pour la sécurité de la Silésie, et il fallait qu’elle fût rétrocédée sans débat, séance tenante sans quoi tout était rompu, et il n’y avait plus à parler de rien. C’était ensuite la présence d’un agent autrichien à Versailles (politesse diplomatique convenue d’avance entre les alliés pour attester le désintéressement personnel de la France dans les conflits intérieurs de l’Allemagne) qui devenait l’objet de soupçons injurieux. Pourquoi le cardinal tenait-il tant à garder un moyen de communiquer subrepticement avec la reine de Hongrie? Enfin, ne sachant qu’inventer, Frédéric trouvait à redire même au traité de neutralité signé avec le Hanovre. Cette convention avait été faite trop vite, sans sa participation ; s’il eût été prévenu à temps, il aurait demandé des avantages pour lui, et la France n’avait pensé qu’aux siens. Bref, comme conclusion de cette série de chicanes sans valeur et d’algarades incohérentes, il déclara qu’il allait faire le siège de Neisse, la dernière place importante qu’il lui restât à conquérir en Silésie, après quoi ses troupes, qui travaillaient depuis un an et avaient besoin de se reposer, prendraient leurs quartiers d’hiver et n’en bougeraient jusqu’au printemps. Après tout, ce n’était pas sa faute si, en négligeant de prendre Vienne quand on le pouvait, on avait manqué l’occasion de terminer la guerre d’un seul coup. Il ne pouvait pourtant pas passer son temps à faire à lui seul les affaires et à réparer les fautes des autres[1].

Valori avait trop bien appris aux dépens de son repos à quel caractère il avait affaire pour prendre au sérieux ces emportemens et pour ne pas se mettre en devoir de chercher tout de suite quel calcul se cachait derrière la colère. L’idée que tous ces griefs imaginaires n’avaient d’autre but que de préparer la voie à une rupture et de justifier un manque de foi se présentait tout naturellement, et quelque pénible qu’il dût lui paraître de se déjuger, du blanc au noir, à quinze jours de distance, dès le 7 octobre, il écrivait déjà à Belle-Isle en lui racontant sa désagréable surprise : « Ne penseriez-vous pas, monseigneur, que le changement d’avis

  1. Valori à Amelot et à Belle-Isle 7, 9, 17, 30 octobre 1741. (lbid.) — M. Droysen résume lui-même tous ces griefs, auxquels il paraît encore attacher une valeur sérieuse.