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suffira de récréer nos regards avec ces fillettes qui jouent entre elles ou qui, en prenant des poses coquettes, se coiffent, s’attifent ou se drapent dans leurs vêtemens. Nous ne nous défendrons pas davantage de sourire en face de ces personnages grotesques, dont les travers ou les difformités physiques ont été tournés en charge d’une façon si piquante par des artisans ignorés de cette Béotie, qui n’était pourtant pas réputée pour sa finesse. Le plus souvent ces figurines sont isolées ou groupées deux à deux; peut-être étaient-elles quelquefois disposées de manière à former un ensemble. C’est du moins ce que tendraient à démontrer deux petits frontons exposés dans une des vitrines de l’Antiquarium et contenant chacun une série de plusieurs de ces statuettes participant à une scène et représentant l’Enlèvement de Perséphone par Hadès et celui d’Hélène par Thésée. Dans l’un et l’autre, le char, attelé de quatre chevaux et portant déjà le ravisseur et sa victime, occupe le centre; puis, de chaque côté, d’autres personnages, dont la taille va en décroissant jusqu’aux extrémités, sont rangés symétriquement et manifestent leur émotion. Les derniers, couchés et tournant le dos à la scène, ne semblent pas s’être encore aperçus du rapt qui vient d’avoir lieu. Ainsi présentées, les deux scènes peuvent paraître assez plausibles; mais, si satisfaisant qu’il soit pour le regard, l’arrangement des figures est loin d’offrir un caractère de certitude absolu. Si nous en croyons un bon juge en ces matières, il y aurait même là un nouvel exemple de ces fraudes audacieuses qui, pour être devenues aujourd’hui plus difficiles à pratiquer, tentent toujours la cupidité des trafiquans d’objets d’art. Voyageant en Grèce, le fin connaisseur de qui nous tenons le récit de cette aventure aurait lui-même, et bien involontairement, inspiré l’idée de cette fraude à un marchand qui lui proposait l’acquisition de ces figurines pour un prix déjà fort élevé. Sur son refus et sur l’indication donnée par lui, d’une manière assez vague, de la possibilité d’un groupement primitif de ces statuettes, non-seulement le négociant peu scrupuleux abonda dans ce sens, mais, flairant là une occasion de vente plus facile et plus lucrative, il fit opérer aussitôt un travail de restauration et d’additions habilement dissimulées par des dorures ternies après coup et combinées de façon à rendre cet arrangement tout à fait vraisemblable. L’achat fut, en effet, conclu pou de temps après pour le compte du gouvernement allemand et payé une somme assez forte. Par malheur, dans le trajet de la Grèce à Berlin, le précieux colis ayant été un peu trop vivement secoué à la douane, des cassures firent apparaître la fraîcheur des morceaux rapportés et la ruse se découvrit. On ajoute même que l’agent qui s’était ainsi laissé tromper reçut aussitôt, par télégramme, l’annonce de son rappel immédiat, en vertu d’un de ces procédés sommaires d’exécution