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Les œuvres originales de sculpture antique occupent le rez-de-chaussée de l’ancien musée, où elles sont disposées dans des salles portant les désignations suivantes : Sculptures d’Assyrie et de Chypre, Cabinet de la sculpture grecque, Salle des héros et Salle des empereurs romains. Ces œuvres, qui ne sont ni très nombreuses ni surtout très remarquables, ont été pour la plupart achetées par Frédéric II et tirées des châteaux et des jardins royaux où elles étaient dispersées. Une des plus importantes acquisitions de Frédéric fut la collection formée à Rome par le cardinal Melchior de Polignac, et payée 36,000 thalers en 1742. Elle ne comprenait pas moins de trois cents marbres de valeur très inégale. L’art ancien était alors fort peu connu, et les différences de style et même d’exécution trouvaient peu d’appréciateurs. On estimait à l’égal des meilleurs des ouvrages d’un mérite tout à fait secondaire, et les uns comme les autres étaient l’objet de désastreuses restaurations. Parmi les nombreux débris que procuraient alors toutes les fouilles, non-seulement on prenait, sans grand discernement, pour les adapter aux statues, les têtes ou les membres qui s’y ajustaient tant bien que mal, mais on ne se faisait pas faute, marchands ou amateurs, d’altérer de parti-pris des sculptures qu’on décorait ensuite des appellations les plus fantaisistes. La valeur artistique d’une œuvre importait moins que son nom et sa signification, on allait jusqu’à transformer sans scrupule les personnages pour les approprier au rôle qu’on leur attribuait. Un Apollon avec les Muses, trouvé en 1735 à Frascati et appartenant à cette collection du cardinal de Polignac, est un exemple mémorable de cette manie d’impudentes restaurations. Les longs vêtemens de l’Apollon ayant donné à penser que c’était un homme déguisé en femme, les jeunes pensionnaires de l’Académie de France se chargèrent, d’après le programme que leur traça le possesseur, d’accommoder tout cet ensemble de façon qu’il pût répondre à l’appellation d’Achille parmi les filles de Lycomède, Si, en matière de restauration, on est revenu depuis à des idées plus justes, on ne se prive pas toujours de ces baptêmes hasardeux, et l’assurance avec laquelle M. Schliemann essaie de nous persuader que tous les objets découverts par lui ont appartenue Priam, à Agamemnon et aux héros les plus fameux de l’antiquité homérique, atteste assez la persistance de ce sentiment de vanité indiscrète qui pousse certains possesseurs d’objets d’art à grossir leurs trouvailles par la célébrité des provenances qu’ils leur assignent.

Une acquisition plus heureuse faite par Frédéric fut celle d’un bronze (n° 130 du catalogue) découvert, à ce qu’on croit, dans le Tibre et qui, après avoir passé dans les collections du prince Eugène et du prince Lichtenstein, fut payé à ce dernier 5,000 thalers. Cet