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troublée durant une longue suite d’années. Un jeune rangatira d’Otaki, Matène, qui a fait campagne avec Rauparahaet Rangihœata, se rend à Taupo, renommé pour son beau lac, puis à Rotorua, où il doit rencontrer plusieurs chefs. Il s’agit de s’entendre sur les dispositions qu’il conviendrait de régler en vue d’amener les tribus à s’unir et à nommer un roi. Ce souverain, étendant son autorité sur les parties centrales de l’ile, où dominent encore les Maoris, organiserait un gouvernement capable de préserver la race et d’en sauvegarder les intérêts. Mûrissant en son esprit son plan de royaume, Matène caressait sans doute l’espérance d’être le roi; mais le grand chef de Taupo Te Heuheu n’admettait la supériorité de personne; il refusa de participer au complot. À ce moment, semble-t-il, les Maoris n’avaient point l’intention d’entrer en lutte avec les étrangers; ils songeaient seulement à s’isoler et à constituer une puissance. Matène ayant adressé un appel aux tribus de la Wanganui, le gouverneur en fut informé ; il se mit à sourire, croyant n’avoir plus rien à redouter du vieux peuple de la Nouvelle-Zélande.

En 1854, des Maoris s’assemblaient et juraient de former une ligue pour la conservation du sol natal. L’argent qu’on nous donne passe, disaient plusieurs d’entre eux, tandis que la terre reste à jamais aux Européens. Deux ans plus tard, Te Heuheu provoque une réunion très nombreuse. On y discute la question d’abandonner le littoral aux Anglais et de défendre l’intérieur du pays. Quelque temps après, à la voix d’un chef qui prend le nom de William Thompson, se tient une nouvelle assemblée[1] ; on y décide de nommer un roi. C’est sur le principal chef de Waïkato que tombe le choix: — il s’appellera Potatau Ier. Au mois de juin 1858, il était solennellement reconnu et fêté comme le premier souverain du peuple maori. Aucune parole hostile n’avait été prononcée contre le gouvernement britannique, et, parmi les colons, des amis des Maoris pensèrent que des hommes politiques un peu perspicaces eussent encouragé le mouvement afin de le guider, de le diriger, de le dominer.

Au milieu des tribus barbares comme chez les nations civilisées, l’homme qu’on élève est rarement celui qui se distingue par des talens supérieurs, mais presque toujours celui qui porte peu d’ombrage aux autres. Potatau était fort vieux; il ne tarda point à mourir. Son fils lui succéda sous le nom de Potatau II, grâce à l’habileté d’un conseiller, Tarapipi, homme dénué d’ambition personnelle, plein de sagacité, d’énergie et de feu patriotique. Tandis que l’événement tout paisible s’accomplit à Waïkato, survient à Taranaki une contestation entre les aborigènes; les uns veulent vendre des terres, les autres s’y opposent. Le gouverneur, colonel Gore Browne, eut

  1. Des Maoris aimaient à se parer de noms anglais.