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dans le lit des torrens ou sur des terrasses dénudées d’anciens dépôts d’alluvion[1].


V.

Tandis que les circonstances favorables semblent se multiplier pour attirer les émigrans de la Grande-Bretagne vers la Nouvelle-Zélande, la race indigène se réveille encore après des années de soumission ou d’apparente résignation. Assez intelligens pour comprendre la supériorité des Européens dans l’agriculture et dans tous les arts, les principaux des Maoris, gens pleins d’orgueil, très sensibles aux marques d’estime, faciles à exaspérer par l’expression du dédain, accueillirent souvent les hommes blancs avec l’espoir de profiter de leurs lumières, avec la pensée louable et noble de grandir parmi les peuples et de compter parmi les nations civilisées. Se voyant sans considération de la part de la société anglaise, les chefs privés de toute autorité comme de toute action dans les affaires publiques, les Maoris prirent en haine les étrangers qu’ils avaient reçus en amis. L’ordre de s’emparer des territoires inoccupés les gonfla d’amertume. Aux premiers jours, les émigrans se montrèrent doux, courtois, aimables envers les aborigènes; ils en sentaient le besoin pour leur sécurité. Devenus plus nombreux et ainsi plus forts et plus indépendans, ils usèrent fréquemment de façons grossières, de procédés déloyaux; ils se complurent à des vexations et à des actes de violence. Pour le colon, c’était chose amusante au possible de lancer ses chiens sur le Maori qui passait au voisinage de sa demeure. Dépouillés de leur sol et sans cesse refoulés, contemplant avec douleur la rapide augmentation des Européens et la décroissance de leurs tribus, des chefs zélandais sont saisis par un sentiment patriotique ; ils tenteront un suprême effort pour garder au moins une place dans leur pays. Les navigateurs ont dépeint les aborigènes à la baie des Iles et dans quelques autres havres visités par les bâtimens de pêche comme des êtres tombés en général dans une extrême dégradation. C’était différent au sud de l’île et mieux encore dans les parties centrales et occidentales. Les Maoris des districts de la Waïkato conservaient l’énergie de leurs pères; plusieurs chefs montrèrent une intelligence de la situation qui dénote un sens politique; en présence des forces britanniques, ils déploieront un courage et une habileté vraiment dignes d’admiration.

En 1853, se dessine le mouvement dont la colonie anglaise restera

  1. En 1852, on découvrit l’or pour la première fois à la Nouvelle-Zélande, dans la province d’Auckland; il ne fut pas exploité à cette époque. En 1860, ayant été observé en abondance dans l’île du Sud, la recherche en commença dès les premiers jours. Sur l’île du Nord les exploitations datent de 1867.