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et rassemble la force militaire, qui met fin aux hostilités par la prise de Ruiapekapeka. Administrateur digne d’être cité en exemple, sir George Grey a senti la difficulté de bien gouverner un peuple dont on ne connaît ni la langue, ni les coutumes, ni les aspirations. Pour redresser des torts, imaginer des remèdes aux situations fâcheuses, éviter de blesser des sentimens respectables, il est nécessaire, pense-t-il, de comprendre la parole. On ne saurait, à son avis, gagner la confiance des hommes si, en tout temps, à toute occasion, on n’est prêt à entendre l’expression des griefs, à écouter le récit des souffrances. Les interprètes ne suffisent pas dans les matières délicates, remarque le nouveau gouverneur; par leur bouche, la plainte ne parvient à l’oreille que plus ou moins adoucie, et la réponse transmise par un intermédiaire ne donne jamais la même impression que si elle arrive directement de celui dont elle émane. D’ailleurs, est-il possible, est-il agréable, de marcher toujours de compagnie avec un interprète? George Grey ne le trouve pas. Jeté à la Nouvelle-Zélande au moment où la rébellion faisait rage, au milieu de difficultés sans nombre, mais enflammé du désir d’attacher les chefs aborigènes aux intérêts britanniques, il se met, plein d’ardeur et de résolution, à l’étude de la langue des Maoris. Cependant la tranquillité venait à peine d’être rétablie au voisinage de la capitale, que soudain, au sud de l’île, dans la province de Wellington, éclate un soulèvement. Des aborigènes s’adonnant à la culture occupaient la vallée de la Hutt. Des agens de la colonie vinrent signifier à la tribu de quitter la place au plus vite. Suivant l’affirmation des Anglais, ces insulaires étrangers au district, étaient venus s’établir aux rives de la Hutt, le territoire ayant été acheté par les colons aux légitimes propriétaires et payé à Rauparaha[1]. Les disputes s’élèvent; les Anglais ne veulent rien accueillir des prétentions des Maoris; ils envoient une force militaire garder les champs cultivés. Le gouverneur accourt sur le théâtre de la lutte et charge le révérend Richard Taylor de promettre aux indigènes une compensation pour leurs récoltes perdues, s’ils consentent à s’en aller. Le chef donne l’assurance de partir dès le lendemain. Tandis que les difficultés semblent s’aplanir, un agent britannique ne trouve rien de mieux à faire que d’incendier les cases, la petite chapelle et jusque aux bordures des tombeaux. En proie à la plus juste indignation, les Maoris déclarent que c’est fini de la paix.

Le vieux Rangihœata, selon la coutume des Néo-Zélandais, ouvre

  1. Les récits des événemens qui s’accomplirent sur la Hutt sont assez diversement rapportés par les historiens. Le révérend Richard Taylor ayant été mêlé directement aux affaires, nous attachons une importance particulière à sa narration. A l’égard des conflits entre les Maoris et les Anglais, nous n’entendons jamais que la voix de ces derniers ; on a mille raisons de regretter de ne pouvoir entendre les premiers.